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attachent, avec raison, une très grande importance au développement de l’éducation coopérative. Ils conseillent, à l’imitation de l’Angleterre, l’organisation de conférences, de causeries, de fêtes familiales, la création de bibliothèques, de « cercles d’études. » Malheureusement, ils n’ont guère réussi à convaincre que les sociétés socialistes. Encore leur satisfaction n’est-elle point sans mélange, car, à l’éducation coopérative se superpose et s’identifie l’éducation socialiste, qui se communique ordinairement dans des conférences-concerts, des apéritifs-concerts, des causeries à la buvette, des représentations théâtrales. La Bellevilloise subventionne une « Symphonie ; » l’Avenir de Plaisance, la Ménagère, jouent des pièces « à thèse, » les Remplaçantes, par exemple, « où sont mises à nu les tares de la bourgeoisie, engendrées par le système capitaliste[1]. »

En dépit de tous ces efforts, l’ « éducation coopérative » est fort peu répandue ; n’apparaissant guère, çà et là, que d’une façon intermittente, à demi noyée dans le flot des polémiques révolutionnaires et anticléricales, elle n’exerce pas d’action sensible sur les membres des sociétés de consommation. D’ailleurs, l’éducation coopérative, pas plus que toute autre, n’est pas une éducation factice, qu’on puisse isoler de l’éducation générale ; et c’est pourquoi la régénération des coopératives ouvrières n’apparaît pas comme prochaine. Je ne veux pas dire qu’elle ne se produira jamais ; mais elle est essentiellement liée à la régénération lointaine des mœurs démocratiques.


Cependant, supposons accompli ce dernier progrès, auquel aspirent paisiblement beaucoup d’esprits « sages, » mais que quelques hommes seuls s’efforcent de préparer. Admettons que, sous son influence, les coopérateurs se soient dépouillés de leur excès d’individualisme ; qu’ils aient reconnu la nécessité de séparer, pour des actions distinctes, la coopération et la politique ; que tous s’intéressent à l’œuvre commune, mais néanmoins sachent s’imposer une discipline rigoureuse : qu’ils aient pu établir des administrations stables et compétentes. Supposons, en un mot, que, sous l’atmosphère vivifiante des mœurs régénérées, ils aient enfin reçu les vertus robustes que l’Association requiert de ses membres.

  1. Bulletin de la Ménagère, 1er septembre 1905.