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mes nouvelles ; mais je ne puis tenir de vous marquer à quel point je suis touchée des grâces que le Roi a faites hier à mon fils et de la manière qu’il en use pour lui et pour moi. Comme ce sont des suites de vos bons conseils, madame, trouvez bon que je vous en marque ma sensibilité, et que je vous tiendrai très inviolablement l’amitié que je vous ai promise. Je vous prie de me continuer vos conseils et avis et de ne jamais douter de ma reconnaissance, qui ne peut finir qu’avec ma vie[1]. » Cette lettre-là va avec la version de Saint-Simon.

A travers toutes ces émotions, il avait fallu prendre le deuil, affaire sérieuse en ce temps-là, surtout par la chaleur. Madame a décrit son appareil de veuve : « (26 juin 1701.) Hier, j’ai dû recevoir le roi et la reine d’Angleterre en cérémonie, et dans un costume insensé. J’avais un bandeau blanc sur le front ; par-dessus le bandeau une coiffe, attachée sous le menton ; par-dessus la coiffe une cornette[2], par-dessus la cornette un voile en étoffe de lin, rattaché sur les deux épaules comme les manteaux de crêpe, et formant une queue de sept aunes de long ; sur mon corps, une longue robe en drap noir, avec des manches retombant sur le poing et garnies d’une bande d’hermine de deux mains de haut ; une autre bande d’hermine, de la même largeur, partant du col et allant jusqu’au bas de la jupe ; une ceinture de crépon noir retombant par devant jusqu’à terre, et une queue en hermine, ayant aussi sept aunes de long. Dans cet attirail, on m’a couchée sur un lit tout noir, dans une chambre toute noire, où le parquet même était tendu de noir et les fenêtres masquées par des tentures noires, ma queue étalée, l’hermine en dessus. Dans la chambre, un grand candélabre avec douze bougies allumées, dix ou douze autres bougies sur la cheminée… » Saint-Simon reproche à Madame d’en avoir pris à son aise avec l’étiquette et de s’être bientôt montrée « partout sans mante, sans voile, sans bandeau, qui, à ce qu’elle disait, lui faisait mal à la tête[3]. » Saint-Simon en parle à son aise ; au mois d’août, et couverte de fourrure, la tentation d’alléger devait être irrésistible.

Tandis que ces incidens se déroulaient à Versailles, la

  1. Du 15 juin 1701. En français, dans l’original, Correspondance générale de Mme de Maintenon, IV, 436.
  2. Les mots en italiques sont en français dans l’original.
  3. Mémoires, éd. in-8, VIII, 362.