Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les terres ne sont pas vendues contre argent comptant ; elles sont cédées moyennant une rente fixe de 3 p. 100, payable la seconde ou même la troisième année seulement. Beaucoup de lots sont affermés pour une période de douze ans et l’on fait en sorte que le fermier devienne propriétaire. Le colon n’est pas autorisé à revendre une partie de son bien ; en cas de vente de l’ensemble, la Commission garde le droit de préemption. Comme le principal créancier est l’État, il exige des garanties, et dans le contrat il oblige l’acheteur à s’assurer contre l’incendie et la grêle.

Dans le groupement des colons par villages, la Commission ne tient compte que de leur confession religieuse. L’immense majorité est protestante et forme 242 colonies. Sur les 11 957 familles, 493 seulement sont catholiques et réparties dans 11 colonies. La Commission favorise-t-elle une religion au détriment d’une autre ? D’après la presse catholique « germanisation égale protestantisation. » La presse piétiste affirme la vérité de la réciproque et exhorte la Commission de colonisation à se piquer de théologie ; elle se borne à tirer de l’expérience et à publier cette conclusion qu’un colon catholique se laisse plus facilement « poloniser » qu’un colon protestant. Ce fait révèle la place que tient la question religieuse dans cette lutte nationale. Dans les Marches de l’Est, protestant est devenu synonyme d’Allemand et catholique de Polonais. Un fonctionnaire de Posen parlait un jour, à table, de la cathédrale de Cologne. « Mais, papa, interrompit son jeune fils, je ne savais pas que Cologne était une ville polonaise ! » Il n’y a plus intention de polémique, il y a confusion dans l’esprit public.

Le premier résultat économique de la colonisation a été de beaucoup étendre la superficie des terres arables ; la production des céréales en Posnanie et en Prusse occidentale n’est pas inférieure à celle d’autres provinces mieux favorisées par la qualité du sol. C’est merveille de voir le parti récent que Prussiens et Polonais, rivalisant de zèle, ont tiré de ces terres légères qui portaient naguère des bruyères roses et qui lèvent aujourd’hui du grain lourd, froment, seigle d’hiver, orge d’été, avoine de mars. La forêt de sapins a reculé devant l’armée des chevaux de labour. L’ajonc d’or qui borde les chemins et forme haie le long des champs n’est plus là qu’un utile témoin des temps de la Polnische Landwirtschaft où ces vastes plaines étaient si