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montagne de Sion n’est qu’un vaste cimetière où l’on ne peut pas creuser sans ramener des ossemens. La ville elle-même, si vieille malgré ses rajeunissemens successifs, semble construite avec des débris mortuaires. Ses pierres ont le poli huileux et froid des vieilles peaux caduques. La boue visqueuse qui enduit ses murs et ses pavés me répugnait comme un affreux résidu de toutes les chairs qui se sont usées et défaites sur son rocher indestructible…

Et, quand on songe aux hospices, aux dispensaires, aux hôtelleries de toutes les confessions et de toutes les nationalités qui s’y étouffent, aux cohues de pèlerins qui viennent y semer les germes de toutes les contagions, on s’étonne que Jérusalem ne soit pas un foyer d’épidémie pour la Palestine… Mais l’hygiène des lieux saints se moque de nos sciences et de leurs axiomes.

Qu’on m’excuse d’insister ainsi sur ces horrifiantes laideurs ! L’artiste qui passe, le touriste isolé de tout contact extérieur par les soins diligens des agences, n’y aperçoivent sans doute qu’un excès de couleur locale, et ils s’ébahissent à bon droit de l’harmonie parfaite qui existe encore, en Orient, entre les mœurs actuelles et les monumens du passé. Quand on est forcé d’y vivre, il est assez naturel qu’on envisage la situation selon les règles ordinaires du sens commun.


IV. — LES ENTRAVES

Si le climat et l’insalubrité des villes pèsent si lourdement sur l’Européen transplanté en Orient, les entraves de toute sorte qui contrarient ses mouvemens lui sont peut-être encore plus odieuses. Mettons à part l’Egypte qui est soumise à un régime spécial. L’Empire ottoman, réduit à ses territoires de suzeraineté effective, est assez considérable pour fournir une matière déjà très ample à notre observation.

Sans doute, la récente révolution a déjà sensiblement modifié l’ancien état de choses. En ce moment, on est tout à la joie de la liberté enfin conquise, on s’embrasse, on fraternise, paraît-il, non seulement à Stamboul, mais à Salonique, à Andrinople, à Beyrouth, dans toutes les grandes villes. Souhaitons que cet heureux changement soit durable. Mais il a