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de son client, si ce n’est un congressiste aux idées de ses adversaires, ou de ses hôtes. Joignons qu’en pays barbares, le civilisé, bien loin de communiquer sa culture aux humanités inférieures, subit au contraire l’emprise de celle-ci. Il se rebarbarise à leur contact, de même qu’une nature supérieure jetée brusquement dans une foule est annihilée et entraînée par elle. Ainsi les milieux cosmopolites démentent tous les beaux rêves qu’ils ont coutume de nous inspirer. En attisant les haines internationales par le frottement quotidien, en soumettant le civilisé au barbare, ils compromettent également la civilisation et tous nos espoirs de fraternité.

Concluons que, si l’Orient nous est hostile par tant de choses, — s’il nous éloigne et nous rebute par son climat, son hygiène, ses mœurs, ses entraves politiques et religieuses, — nous n’avons guère de chances non plus de le conquérir à nos idées, et de provoquer, par ce moyen, une détente durable dans nos rapports. Nous y sommes des étrangers qui ne s’y imposent que par la force, comme ont fait tous les conquérans occidentaux, depuis les expéditions d’Alexandre jusqu’à l’hégémonie britannique ou allemande. Et soyons-en bien convaincus : quels que soient les progrès ou les changemens qui s’y opèrent dans l’avenir, en dépit de toutes les protestations pacifiques de part et d’autre, ce n’est que par la force que nous pouvons nous y maintenir, — à moins que nous-mêmes nous ne préférions subir la loi du plus fort.


Louis BERTRAND.