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souffles, de rasseoir et de raffermir la masse, de discipliner et de régulariser par là l’action du Nombre tout-puissant ? » Trop de souffles, d’élémens, de matière et de masse : un chaos ! Et l’on ajoutait, — ce qui allait plus loin : — « En termes précis, elle doit être (notre tâche) d’organiser politiquement et économiquement la démocratie ; et, en termes plus précis encore, pour l’organiser économiquement, d’organiser le travail, tandis que, pour l’organiser politiquement, nous organiserons le suffrage universel. » Mais l’équivoque ne subsistait pas un instant : à peine née, elle était détruite : « Ce qu’il faut d’ailleurs entendre par « organiser le travail, » et aussi ce qu’il faut ne pas entendre par cette formule que l’abus a quelque peu discréditée, on s’efforcera de le dire clairement sur chacun des points qui seront touchés. Il ne s’agit ici que de poser le principe, qui est qu’une double crise nous impose cette double lâche ; que nous ne sommes pas maîtres de l’accepter ou de nous y dérober ; et qu’enfin nous devons le faire, parce que nous ne pouvons pas ne pas le faire, emportés que nous sommes par une double révolution. » Voilà, du premier coup, le champ bien circonscrit : et notre seule affirmation préalable, notre seule prétendue conclusion anticipée, ou mieux notre seule constatation préliminaire, réduite à cela, — et elle n’est que cela, ni plus ni moins, — n’est vraiment pas compromettante. Aujourd’hui encore, après mûre réflexion et sous la menace de l’anathème, je la maintiens. E pur si muove !

De même et subsidiairement, « d’un rapide coup d’œil jeté sur l’évolution générale du mouvement politique et industriel depuis la Révolution, » nous n’avons pas conclu par anticipation « à la nécessité d’une évolution parallèle dans la conception de l’Etat et des devoirs du législateur. » En tout cas, nous n’aurions donné à « nécessité » que le sens de « fatalité, » « nécessaire, » pour nous, signifiant le plus souvent « inévitable. » Nous n’avons point parlé, — Dieu nous en garde ! — des « devoirs » du législateur. C’eût été un langage trop métaphorique, trop désuet, trop usé, dans le temps où nous sommes, dans l’Etat que nos pères nous ont fait, et que nous nous sommes fait à nous-mêmes. Un tel langage aurait été d’un irréalisme trop choquant, par où l’on eût trop clairement montré que l’on oubliait tout ensemble et ce qu’est réellement l’Etat moderne et ce qu’est réellement « le législateur. » Ce qu’ils sont l’un et l’autre, loin de le perdre de vue, nous l’avons marqué de