Grâce éphémère !… O temps brutal
Dont l’abîme infini dévore
Ces pures notes de cristal,
Qui portaient un accent d’aurore !
Les mots et les airs des chansons
A travers les âges demeurent :
Mais les voix aux tendres frissons,
Toutes pour jamais elles meurent !
Et, joyeux élan de ces voix,
Perdu de même en l’oubli sombre,
Les jeunes rires d’autrefois
Ne renaîtront jamais de l’ombre.
Il semble pourtant qu’au matin,
Parmi l’allégresse première,
Les rayons du rire argentin
Brillaient d’éternelle lumière.
Le trafic, le plaisir, loin des lieux écartés
Attirant les vivans de cités en cités,
Laissent à l’abandon cette voie ancienne.
Elle menait jadis au pays de Guyenne.
Endormie à présent sous un long gazon vert,
Elle semble un chemin inutile et désert :
Oh ! non pas pour l’esprit !… Plus que le bord des fleuves
Et le lisse ruban des claires routes neuves,
Le chemin solitaire est fréquenté toujours.
On y sent voyager des êtres aux pas sourds,
Spectres vagues de ceux qui, durant les vieux âges,
Hâtés par leurs désirs ou portant des messages,
S’exclamaient : maintenant ils font très peu de bruit !
On voit et l’on entend, le jour, le soir, la nuit,