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Les pourparlers avec le Cabinet des Tuileries eurent une issue toute différente. Le gouvernement russe éprouva une impression de perplexité, ne sachant pas avec qui il devait traiter à Paris. On ne faisait qu’y changer de ministère. Déjà, en février 1839, le comte Molé avait dû abandonner son poste, et le maréchal Soult avait été appelé à le remplacer. Il est vrai que le roi Louis-Philippe s’appliquait sans cesse à démontrer au comte Pahlen et au comte Medem qu’il était le chef de l’État et qu’il dirigeait en personne la politique de la France. Bien qu’on l’appelât « roi révolutionnaire, » comme il en convenait lui-même, il ne tenait pas moins dans ses mains les rênes du pouvoir. « J’ai laissé dire, » répétait-il, « et j’ai continué avec persévérance la lutte qui s’était engagée entre l’intérêt monarchique et l’esprit révolutionnaire qui m’avait pris pour principal point de mire… Voilà neuf ans que cela dure et je n’ai pas succombé. J’ai perdu parfois un combat, mais point une bataille, et tandis que j’ai réussi à rétablir la tranquillité et la prospérité à l’intérieur de mon pays, j’ai exercé la plus grande influence sur la continuation de la paix au dehors. » Le Roi exprima sa ferme résolution d’agir de même dans l’avenir pour le maintien de la paix internationale et la conservation de l’Empire Ottoman, et il persista en effet dans cette résolution, malgré toutes les intrigues de son entourage.


VIII

Lorsque la nouvelle de la mission du baron Brunnow à Londres fut connue à Paris, le maréchal Soult ne put s’empêcher d’exprimer ses vifs regrets au comte Medem. Selon lui, cette mission avait évidemment pour but d’isoler la France et de l’exclure des pourparlers sur le sort de l’Empire Ottoman. Aussi la France, disait-il, se trouve-t-elle dans la nécessité de s’opposer à toute intervention active de la Russie dans le conflit turco-égyptien, et si la Russie prenait la résolution d’envoyer sa flotte au Bosphore, la flotte française devrait franchir les Dardanelles.

Sur la dépêche du comte Medem du 29 septembre/11 octobre 1839, qui signalait cette déclaration du ministre français, l’Empereur inscrivit ce seul mot : détestable.

Ce fut à Paris une joie sans fin lorsque le bruit s’y répandit