Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cependant le sentiment religieux se réveillait dans l’autre Eglise. L’histoire des monastères, de la prédication fidèle et vaillante d’apôtres tels que Pierre de Bérulle, Vincent de Paul et François de Sales ; l’histoire des Jésuites, des Jansénistes, de Port-Royal ; celle de Pascal surtout, nous montrent les étapes de cette anxieuse recherche et comment le sentiment religieux catholique s’est enfin retrouvé et ressaisi.

Les catholiques d’Etat, les néo-stoïciens, les sages, — de Montaigne à Descartes, — en mettant la religion à part et très haut, en lui faisant de si profondes révérences qu’ils finissent par avoir l’air de se moquer d’elle, élèvent un mur entre elle et la vie ; et la forme matérielle de l’idée qu’ils s’en font est le monastère. Du Vair n’a pas la moindre notion d’un christianisme où l’âme appartient continuellement à Dieu au milieu des devoirs et des affaires du monde. « La vie religieuse est, pour lui, une sorte de retraite où l’on n’entre qu’après avoir épuisé son activité au service du prince, de l’Etat et des hommes. » Seuls donc, dans le catholicisme, à une certaine époque, les moines et les solitaires faisaient profession d’être dévots.

L’œuvre propre de saint François de Sales fut d’expliquer à ses frères catholiques que le sentiment religieux n’exige pas qu’on se retire dans un désert et qu’on s’exténue par des austérités. Il montra dans son charmant chef-d’œuvre que la Vie dévote n’a pas besoin des exploits extraordinaires d’un héroïsme surhumain, et qu’on peut en remplir parfaitement l’idée par l’exercice, avec l’aide de Dieu, des petits devoirs et des vertus communes. Il préconisait, comme les Réformés, le principe mystique de la foi, mais il préconisait aussi, à la différence des Réformés, les pratiques, les cérémonies, les bonnes œuvres, non comme le but de la religion, mais comme un moyen, un « art, » une méthode excellente à suivre pour procurer la conversion essentielle du cœur.

Saint François de Sales est vraiment la riche fontaine d’eau vive où tout le sentiment religieux du XVIIe siècle a repris naissance pour se diviser ensuite et se précipiter en d’étroits courans très divers. Fondateur de la religion du cœur et de la foi directe, il a ouvert la voie à Pascal. C’est une chose remarquable que cet aimable évêque, qui offre avec Fénelon tant de ressemblance superficielle, ne se soit pas amusé aux preuves physiques de l’existence de Dieu, bien qu’il aimât la nature et que son