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Dans une lettre où il explique comment il « se console de la mort de ceux qu’il a aimés » et comment il « s’empêche de craindre la sienne propre, nonobstant (ajoute-t-il) que j’estime assez la vie, » il propose comme le meilleur remède la pensée philosophique de l’immortalité de l’âme, il se la prouve par des raisonnemens de philosophe, et il ajoute ceci, qui est bien curieux : « Quoique la religion nous enseigne beaucoup de choses sur ce sujet, j’avoue néanmoins en moi une infirmité qui m’est, ce me semble, commune avec la plupart des hommes : à savoir que, nonobstant que nous veuillions croire et même que nous pensions croire très fermement à tout ce qui nous est enseigné par la religion, nous n’avons pas néanmoins coutume d’être si touchés des choses que la seule foi nous enseigne et où notre raison ne peut atteindre, que de celles qui nous sont avec cela persuadées par des raisons naturelles et fort évidentes[1]. »

C’est le contraire qui est vrai, aux yeux de Pascal, et voilà pourquoi Descartes « sera pour lui l’ennemi, comme représentant le rationalisme scientifique, la science aspirant à fournir une philosophie et à remplacer la religion[2]. »


Le sentiment religieux, comme la poésie, comme l’amour, comme tout ce qui est un aliment pour l’âme, ne saurait périr ; mais il peut subir de graves atteintes dans sa forme normale et saine ou des éclipses plus ou moins longues. Où était-il, et quelles formes avait-il revêtues dans le premier quart du XVIIe siècle ?

Il existait d’abord chez les protestans, dont le schisme religieux avait été avant tout une crise ardente de la foi. Après la terrible épreuve de leur liberté perdue, de leur sécurité ruinée, des massacres, des guerres et du sang versé de part et d’autre, les protestans ne jouissaient pas de l’édit de Nantes depuis assez longtemps pour que la paix eût déjà produit la tiédeur et la langueur de zèle qui finissent généralement par payer un bien si précieux. « Personne presque alors, en dehors des réformés, n’a de véritable piété, » écrit M. Strowski[3].

  1. Cité par M. Strowski, avec renvoi à la Correspondance de Descartes, t. III, p. 580.
  2. Article de M. Lanson sur Pascal dans la Grande Encyclopédie.
  3. Saint François de Sales, p. 38.