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M. Guesde se montrait plein d’espoir. « C’est le Congrès de Marseille, lisait-on dans son journal, qui doit manœuvrer le gouvernai], et faire évoluer le navire confédéral vers de calmes horizons ; » et M. Clemenceau, par son discours du Var, répondait à ceux qui pressaient le gouvernement d’en finir avec la C. G. T. : « Au lieu de porter la main sur ce commencement d’organisation ouvrière, il nous paraît plus politique et, pour tout dire d’un mot, plus républicain, de permettre à la majorité de rétablir elle-même sa puissance, par la simple vertu d’un scrutin normal qui fera rentrer dans l’ombre une minorité de dictateurs sans mandat. De nombreux signes nous permettent de prévoir que ce jour n’est pas éloigné. » Le Congrès de Marseille ne devait pas justifier cette confiance, du moins pour le présent.

Après le salut obligé aux camarades emprisonnés à Corbeil, Griffuelhes, Pouget, Yvetot, Bousquet, etc., et l’indignation manifestée au gouvernement persécuteur, les deux partis se livraient la première bataille sur le rapport du Comité confédéral : il s’agissait d’approuver ou de désavouer une tactique qui venait de conduire à un désastre.

Ce rapport nous renseigne sur le recrutement et le budget de la C. G. T., c’est-à-dire des Fédérations et des Bourses du travail qui la composent. Depuis le Congrès d’Amiens, en deux ans, avec des gains et des pertes, les Fédérations se sont accrues de plus de 90 000 membres : de 203 273 elles se sont élevées à 294 398 cotisans. Les révolutionnaires en tirent argument en faveur de leur propagande, qui, disent-ils, augmente l’armée syndicale. Des syndicats de paysans, encore en nombre infime, se sont fait inscrire : travailleurs agricoles du Midi, bûcherons, métayers, fermiers des landes, etc. L’appoint le plus considérable, en qualité et en quantité, est venu du « détournement des mineurs, » opéré par la Confédération, au lendemain de l’échauffourée de Draveil. L’accession des mineurs à la C. G. T. ne lui apporte pas seulement un fort appoint de 25 000 membres. Sans qu’on puisse décider si la majorité doit être rangée du côté des réformistes ou des révolutionnaires, c’est parmi les travailleurs de la mine que la proportion des syndiqués est la plus forte : rompus aux grèves, ils peuvent les soutenir longtemps, à cause du coin de terre qu’ils cultivent. Une grève générale n’aurait pas d’auxiliaires plus indispensables : les usines et les transports se trouvent à leur merci.