Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/444

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

électricien, d’un employé, d’un métallurgiste, etc., devenus agitateurs, journalistes, fonctionnaires de syndicats ; au contraire, à Toulouse, siégeaient un ancien professeur de philosophie, un ancien élève de Stanislas, un ingénieur, des médecins, des avocats, des propriétaires, des rentiers, voire des patrons, de gros et petits bourgeois. Pour les premiers, le syndicalisme, c’est la vie ouvrière de tous les jours ; pour les seconds, le socialisme n’est qu’une opinion, une cause, un idéal dont leurs habitudes, leur mode d’existence est la négation forcée. Ce sont deux mondes.

Au début les politiciens socialistes, séparés en sectes rivales, avaient cherché à s’emparer du mouvement syndical et semé la division dans les rangs ouvriers ; des ambitieux, sortis des rangs de la bourgeoisie, s’apprêtaient à le trahir. Puis, lorsque les socialistes partagèrent le pouvoir avec les radicaux, ils endossèrent l’impopularité du maintien de l’ordre sur les champs de grève : aucune entente n’était possible. Mais l’effondrement du Bloc, la politique de résistance au ministère Clemenceau, l’alliance des radicaux non socialistes et des progressistes, rendaient nécessaire un accord dont les socialistes, à vrai dire, étaient seuls à faire les avances et les Irais. M. Jaurès ouvrait aux syndicalistes de toute école une tribune dans l’Humanité et, avec son habituelle mansuétude, d’ailleurs très politique, il laissait non seulement critiquer, mais provoquer ses amis, les socialistes parlementaires, sans que lui-même fût épargné.

La croissance si rapide de la G. G. T. renverse les rôles. Ce sont les syndicats qui, tout en ignorant systématiquement le parti socialiste, imposent désormais leur direction, leurs mots d’ordre aux Congrès socialistes. Tandis que la Confédération grandit à vue d’œil, le parti socialiste semble arrêté dans sa croissance, atteint de rachitisme. Le rapport du Conseil national au Congrès de Toulouse nous apprend que le parti socialiste unifié, avec ses 56 000 membres, n’a gagné, d’une année à l’autre, que quelques milliers d’adhérens. Sauf deux Fédérations, celles du Nord et de la Seine, qui groupent, la première 10 000, la seconde 8 000 cotisans, ses organisations départementales ne dépassent guère l’importance de comités électoraux permanens. L’avarie ronge ses finances. La cotisation des cinquante députés, prélevée sur leurs quinze mille francs, suffirait à constituer un budget sortable. Mais cet impôt sur le revenu rentre à grand peine dans la caisse collectiviste, malgré les objurgations de