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M. Guesde est l’ennemi juré du syndicalisme révolutionnaire, des grèves violentes, de toute prédication d’indiscipline, d’anti-patriotisme : qu’on soit prêt à marcher aux frontières avec l’ardeur des volontaires de 93, pour le salut de la Révolution qui ne doit éclater qu’au lendemain de la victoire ; qu’on chasse impitoyablement du parti les anarchistes et les hervéistes qui le mènent à la ruine. Telle est en substance la doctrine de M. Guesde que vinrent soutenir partiellement à la tribune ses disciples, son légat M. Rappoport.

Si M. Guesde, du fond de sa retraite, est le pape du parti socialiste, M. Vaillant, dépositaire de la tradition blanquiste, en est l’empereur secret. Contre les possibilistes partisans de la discipline républicaine, M. Vaillant ne connaît qu’une seule discipline, la discipline socialiste. Contre les guesdistes, il estime qu’il faut donner, dès à présent, à la politique son maximum d’action. S’il ne croyait pas à l’œuvre parlementaire, il rougirait de siéger à la Chambre. L’action parallèle essentielle n’est pas du côté des radicaux, mais des révolutionnaires, qu’ils s’intitulent hervéistes ou syndicalistes, du côté surtout de la C. G. T. à laquelle il faut laisser sa pleine autonomie.

Puis ce fut le tour de M. Lagardelle, intellectuel de marque, directeur du Mouvement socialiste, qui a réuni en un corps de doctrines étroitement liées, en un syndicalisme spécifique, les pratiques et les aspirations représentées par la C. G. T. Avant lui, un ex-polytechnicien, M. G. Sorel, qui se tient à l’écart des partis, dans une brochure, l’Avenir des Syndicats, dans les Réflexions sur la violence, analysées par M. Paul Leroy-Beaulieu, plus récemment dans les Illusions du progrès, envisage le syndicalisme par le côté éthique, auquel il attribue une importance aussi essentielle qu’à l’habileté technique. D’après lui, les syndicalistes doivent former une élite imbue de la morale austère et belliqueuse des Puritains auxquels la bourgeoisie anglaise doit sa grandeur. Pour cette raison, il faut rompre à tout jamais avec les politiciens régnans, qui, sous couleur de socialisme démocratique, de démocratie égalitaire, ne visent qu’à asservir et à corrompre la classe ouvrière, en vue d’assurer à perpétuité leur domination de jouisseurs. M. Lagardelle envisage seulement l’action politique et économique du syndicalisme. Le syndicalisme ne vise pas à s’emparer de l’Etat, comme le veulent les socialistes, qui ne songent qu’à fortifier l’Etat, en lui