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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/459

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sentimens complexes de Mme Sandral, tel est le double intérêt de la pièce.

Si les femmes savaient le mal que peut faire leur infidélité !… Cela ne suffirait probablement pas à rendre fidèle une Mme Destrier. Le jeune Robert a rencontré, dans le salon des Sandral, cette dame élégante et parfumée. Fatale rencontre ! Mme Destrier sera le mauvais ange de cet enfant, comme Mme Sandral en est l’ange gardien ; mais on sait combien la tâche du bon ange est plus difficile que l’autre ! Le jour où Robert, pour qui Mme Destrier a eu un caprice, reçoit son congé de sa maîtresse qu’il assomme, c’est un effondrement. Cette première déception d’amour le mène aux amours faciles. Faciles, sans doute, mais dispendieuses, ces amours lui créent des besoins d’argent, auxquels ne suffisent pas les appointemens d’un modeste secrétaire. Pour se procurer des ressources, il se prépare à livrer à un concurrent le secret d’une invention sur laquelle M. Sandral échafaude de grands projets. Fortement soupçonné par celui-ci, il va être « exécuté, » lorsque la patronne intervient ; elle trouve pour parler au jeune homme des accens qui l’émeuvent ; elle obtient de lui des aveux complets, un entier repentir. Robert va repartir en province ; il y prendra un bain d’honnêteté ; il reviendra régénéré… N’en doutons pas ! Mais tout de même, si nous avons besoin d’un secrétaire, choisissons-en un autre.

Ce petit drôle vous intéresse-t-il beaucoup ? Certes, il est très mal entouré. Son patron, Sandral, exploiteur sans scrupules qui s’approprie la découverte d’un inventeur génial et pauvre, Fargis. Puis ce Fargis, génial et pauvre, mais non moins alcoolique. Et aussi un certain Latrille, fils de ministre, qui profite de la situation pour se livrer à des tas de tripotages, probablement à l’instar de monsieur son père. Et tous les autres, et Mme Destrier, la femme galante, et les amies de Mme Destrier et les amis de ces amies. Je ne les défends pas. Toutefois leur coquinerie est-elle une excuse suffisante à la coquinerie du jeune Robert ? Cela est si commode de rejeter sur autrui la responsabilité de nos propres fautes ! Puisque M. Donnay ne voulait pas la mort du pécheur, il aurait dû rendre celui-ci plus digne de l’absolution finale. Mais par où ce triste sire a-t-il mérité notre indulgence ? A peine arrivé à Paris, il y trouve tout de suite, et comme entrée de jeu, une maîtresse et une amie. C’est un heureux gaillard. Seulement il est envieux ; il est déclamateur et phraseur, ce qui est toujours un signe fâcheux. Il y a en lui du Julien Sorel. L’acte qu’il commet est de ceux qui s’expliquent non par la faiblesse, mais