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fait de ses pouvoirs. Mais comment aurions-nous pu accepter que nos soldats et les agens consulaires allemands à Casablanca fussent mis sur le même pied, puisque nous approuvons nos soldats, et que le gouvernement impérial blâme ses agens ? Notre situation aurait été singulièrement compromise devant la Cour de La Haye. Le gouvernement impérial annonce l’intention de lui soumettre des questions de droit très complexes et de lui en demander son avis. Soit : nous nous associerons à lui pour soumettre à la Cour de La Haye ces questions dont l’intérêt ne nous échappe pas. Mais c’est là pour nous, en ce moment, un intérêt subsidiaire. Avant tout, nous soutenons que nos soldats ont rempli leur devoir dans la limite de leurs droits. Si nous nous trompons, la Cour arbitrale le dira, et nous nous inclinerons respectueusement devant sa sentence. S’il y a lieu alors d’exprimer des regrets, nous le ferons. Mais le faire avant la sentence aurait été affaiblir notre thèse, la discréditer, la déserter. On l’a senti à Berlin, et au bout de quelques jours, on a commencé à s’y montrer moins intransigeant. Nous avions proposé une formule transactionnelle dans laquelle les deux gouvernemens, d’accord pour regretter l’incident qui avait mis leurs agens aux prises, décidaient de le soumettre à la Cour de La Haye : cette formule a été finalement acceptée. Les quelques modifications qu’on y a faites portent sur la forme et laissent le fond intact. On a tenu à Berlin à ce que les agens impliqués dans l’affaire fussent qualifiés de « subalternes. » Soit : ils le sont en effet. On a tenu aussi à ce qu’il fût spécifié que, après l’arbitrage, des regrets seraient exprimés par celui à qui les torts auraient été imputés. Soit encore, et cela va sans dire. Le gouvernement allemand a été amené à prendre cette nouvelle attitude par la communication que nous lui avons faite du rapport de notre commissaire de police spécial, M. Dordé. M. Dordé, après enquête, avait établi comment les faits s’étaient passés. Entre lui et les agens allemands la divergence était telle que les deux gouvernemens désespéraient de démêler la vérité : ils devaient laisser ce soin à un tiers plus impartial. Nous irons donc à La Haye les uns et les autres, et, quelle que soit la sentence arbitrale, nous nous y soumettrons. C’est ce que nous avions proposé : c’est ce qui a été adopté.

Rien n’a d’ailleurs été plus loin de nous que le désir de terminer l’incident d’une manière qui n’aurait pas été également honorable pour les deux pays. Si nous ne pouvions faire aucun sacrifice de notre dignité, nous n’aurions eu garde de demander à l’Allemagne de faire le moindre sacrifice de la sienne : et cela, pour deux motifs, dont