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devons avoir votre terre. Et, en vérité, nous avons besoin que vous ayez le cœur prussien, car un État comme la Prusse et l’Allemagne, qui a des frontières si menacées, ne peut pas s’exposer à ce que, en cas de changemens politiques en Russie ou en Autriche, une révolte éclate parmi ses sujets polonais, au moment où son épée serait peut-être engagée ailleurs. L’Etat vous demande de reconnaître que la domination de la maison de Hohenzollern et de la Prusse sur les pays polonais annexés est définitive et non provisoire... L’histoire universelle enseigne que le droit du fort, et du plus fort, a créé les États... Derrière vous est anéanti pour toujours le royaume de Pologne ; devant vous est l’Etat prussien qui n’a pas encore accompli sa mission dans le monde. Votre bonheur et votre paix sont avec cet État. »


III

Ecoutons maintenant les adversaires de la loi. Il convient d’entendre, en premier lieu, les Polonais, « les accusés en face du procureur, » selon l’expression du prince de Radziwill. Modérés ou « radicaux » par tempérament autant que par intérêt électoral, ils représentent au Parlement toutes les classes et toutes les organisations sociales. Si la noblesse, la bourgeoisie, le clergé, le paysan, le peuple des artisans et la foule des ouvriers agricoles ont, dans la dispersion de la vie quotidienne, des opinions diverses et des tendances distinctes, aux heures graves de la vie publique, le « Polonisme » se recueille dans une pensée commune. Elle s’exprime ainsi :

On nous reproche de penser au rétablissement du royaume de Pologne. Ne parlons pas de rêves. Il y a en Allemagne des gens qui rêvent tout haut de l’annexion de la Hollande, de la Belgique, des provinces russes de la Baltique, de tous les pays de langue allemande. Ces rêves-là ne sont pas de la politique pratique[1]. Personne d’entre nous ne pense à se séparer de la Prusse. On exprime la crainte que si l’Etat était en danger il ne pourrait pas compter sur les Polonais. Singulière pédagogie de vouloir faire une population fidèle avec des lois d’exception ! On rappelle toujours les agitations de 1848. N’avons-nous pas fait notre devoir en 1866 et en 1870 ? Bismarck nous rendit justice

  1. Reichstag, Stenog. Berichte, 11 novembre 1907 (M. de Chrzanowski)-