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Bismarck et ses successeurs. Le « parti de l’intelligence » en appelle à Kant, à Schiller, à Goethe et ne redoute point le joug de la « culture allemande » qui opère par les séductions de l’esprit. Il y a longtemps, nous disait l’un d’entre eux, que les Allemands du Sud nous auraient « assimilés. »

Quelles seraient les concessions que le gouvernement prussien devrait faire aux Polonais pour désarmer les esprits ? Elles ont été exposées récemment dans une brochure[1] qui fit grand bruit, que l’on cita maintes fois au Landtag et que le gouvernement prit la peine de réfuter, sans entendre d’ailleurs les raisons profondes et méditées qui l’avaient inspirée. Les conciliateurs demandent des fonctionnaires sachant le polonais, et la constitution d’une sorte de Conseil consultatif polonais (Beirat) qui collaborerait avec l’administration prussienne et la ferait bénéficier de sa compétence psychologique. Ce sont là des conditions accessoires ou, en tout cas, sujettes à discussion. Ce que les Polonais revendiquent d’une façon absolue, c’est le libre usage de leur langue, et l’on rencontre, en Allemagne, une foule d’esprits très distingués disposés à le leur concéder. Le gouvernement répond que l’État prussien serait sourd à toutes les leçons de l’histoire, s’il prêtait l’oreille à de semblables propositions. Si on accorde aux Polonais l’usage de leur langue, ils demanderont la disparition de l’Ansiedlungscommission, la nomination de fonctionnaires polonais et bientôt l’autonomie comme en Galicie. La question ne peut plus se poser depuis que les paysans et artisans se sont organisés économiquement et que l’influence est passée aux radicaux. — Mais, si la politique de conciliation est devenue impossible aujourd’hui, comme l’affirment le gouvernement et les partisans de l’expropriation, il y a lieu de se demander, sans insister, pourquoi elle prit fin brusquement en 1894. Les raisons connues ne sont peut-être pas les plus probantes, et il faudrait, sans doute, en chercher de plus décisives dans la « petite histoire « qui garde le secret des petites causes produisant les grands effets. Le crédit de la noblesse polonaise à la Cour, par exemple, suscita, dans la noblesse prussienne, des rivalités qui ne furent pas étrangères à la rupture ; elles avaient l’une et l’autre une manière trop différente de servir le souverain.

  1. S. de Turno, Zum Enteignungsprojekt, Posen.