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L’ODYSSÉE D’UN PRÉTENDANT BIRMAN


À Saïgon, dans une vaste maison aux persiennes toujours closes, habite un personnage mystérieux dont nos compatriotes d’Extrême-Orient connaissent à peine aujourd’hui l’existence et qui joua cependant un rôle considérable dans notre histoire coloniale. Cet homme, qui s’entoure d’une barrière presque infranchissable faite de souvenirs et de désillusions, est le prince Myngoon Min, héritier des Allomphra, prétendant légitime au trône birman.

Pendant un instant, on put croire que son pays allait faire partie de notre empire indo-chinois. Quelques Français entreprenans, tels que MM. Vossion, Dru, La Bourdonnais et Deloncle avaient démontré au roi Min Doon et à son successeur Thibau les avantages de notre protectorat ; mais leurs efforts, précipitant les événemens, eurent des résultats qu’ils n’avaient pas prévus. Le traité Deloncle fut sans effet contre l’habileté de lord Dufferin et les canons du général Premdergast. Le royaume d’Ava[1] était supprimé le 1er janvier 1886, et le prince Myngoon, que les hasards d’une vie aventureuse et les calculs de la diplomatie faisaient depuis six ans notre hôte, devenait presque notre prisonnier.

Le moment n’est pas encore arrivé de faire l’étude critique des négociations dont le fils de Min Doon fut le pivot en Indo-Chine et dont le succès aurait probablement placé la péninsule tout entière sous notre influence. Mais le lecteur trouvera sans doute intéressant le récit de l’existence extraordinairement agitée d’un prétendant qui, proscrit, sans ressources, inquiéta longtemps le gouvernement anglais, et dont le rôle n’est peut-être pas encore terminé.

  1. Ava était le nom officiel de la Birmanie indépendante.