En 1806, le roi Min Doon régnait depuis treize ans sur la Birmanie déjà diminuée de ses beaux territoires du Sud qui formaient une province anglaise dont Rangoon était la capitale. Indolent et faible, il n’avait pas oublié la révolution de palais à laquelle il devait le pouvoir et, pour ne pas être à son tour victime d’ambitions prématurées, il ne se hâtait pas de désigner, suivant la coutume, son successeur parmi ses nombreux enfans. Il consacrait son temps aux multiples exercices de la piété bouddhiste et laissait le soin des affaires publiques à son frère Kanoung Meng, homme avide et cruel, dont il avait fait son premier ministre et l’éducateur de ses fils.
Cette apathie devait avoir les plus graves conséquences. Deux partis en effet se partageaient les ministres et les courtisans : celui de Kanoung Meng qui, à défaut de testament royal, était Aengshée Min (héritier du trône), et celui des princes dont l’aîné, Myngoon Mïn, avait acquis, grâce à son caractère affable et son entrain, la sympathie des Birmans. Tandis que l’Aengshée Min, se posant comme le champion des revendications nationales, fermait le pays aux étrangers et méditait une guerre avec l’Angleterre pour effacer le traité de Yandabo et les empiétemens de 1851, le prince Myngoon, d’accord avec le roi, estimait que le salut de la Birmanie serait au contraire dans la réforme complète du royaume et l’adaptation des idées européennes à la mentalité du pays.
Le fils de Min Doon n’était pas un de ces princes ignorans, amollis par la paresse et les plaisirs, que l’on a coutume de rencontrer en Asie. Aujourd’hui encore, ceux de nos compatriotes que le hasard ou la curiosité mettent en sa présence à Saigon sont toujours surpris de voir un homme élégant et souple dans ses habits de coupe européenne, au turban jaune adroitement drapé sur une tête intelligente. L’œil est vif, la démarche fière, le verbe impérieux et caressant. Quand il parle, tout s’anime, et le geste énergique accentue la pensée. La noblesse instinctive, la majesté naturelle percent dans son urbanité parfaite et sa simplicité ; la bonté, l’audace paraissent dans le regard qui se fixe franchement. On reconnaît en lui l’être né pour commander et pour agir, le chef qui rayonne de la sympathie, qui entraîne