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Toutefois, leur voyage ne s’accomplit pas sans incidens. Le fils aîné de Kanoung Meng, prince Padin, à qui le départ de Myngoon et la pusillanimité du Roi laissaient le champ libre, avait cru l’occasion favorable pour venger la mort de son père en essayant de réaliser ses ambitieux projets. Myngoon, que ses amis de Mandalé avisaient chaque jour des événemens, dut rebrousser chemin pour s’opposera cette nouvelle conspiration. Il y réussit. Malheureusement, cet épisode ne suffit pas à convaincre le Roi du loyalisme de son fils et, tandis que Padin par ses habiles intrigues obtenait un pardon généreux[1], Myngoon et son frère continuaient par prudence leur voyage jusqu’à Rangoon, abandonnant leur pays qu’ils ne devaient plus revoir.

Le capitaine Staden, sans le savoir peut-être, venait de rendre à l’Angleterre un service éminent : les deux princes étaient désormais des otages précieux que la diplomatie britannique emploierait suivant ses besoins. Myngoon, en acceptant l’hospitalité anglaise, faisait preuve d’une grande inexpérience et de généreuses illusions. Le roi Min Doon traita comme des fils rebelles et dénaturés ceux qui étaient ses plus dévoués défenseurs. Cette habileté, cette confiance et cette erreur coûtèrent à la Birmanie son indépendance, à Myngoon sa couronne et sa liberté.


II

Le colonel Phayre, alors Chief Commissioner de la Birmanie anglaise, accueillit avec de grands égards les hôtes imprévus dont Sladen lui avait annoncé l’arrivée. Il installa les deux frères dans un logement confortable et pourvut largement à leurs besoins ; mais il ne tarda pas à s’en trouver fort embarrassé. Les souvenirs des guerres de 1826 et de 1851 n’étaient pas effacés dans le delta de l’Irraouaddy ; la domination anglaise était encore discutée ; les hésitations et les erreurs du début de l’occupation avaient fait bien des mécontens qui rêvaient l’expulsion des étrangers et le l’établissement de l’autorité des Allomphra sur les provinces enlevées à l’ancien royaume d’Ava. La présence de deux princes de la famille royale, dont les exploits, déjà connus, étaient amplifiés par la distance et l’exagération asiatique, les manières captivantes de Myngoon qui s’annonçait déjà comme

  1. Il n’en profita pas. Quelque temps après, il se compromit dans de nouvelles intrigues et fut exécuté.