Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 48.djvu/688

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un entraîneur de foules, eurent des conséquences que n’avaient pus prévues les fonctionnaires anglais. Les Birmans venaient en masse manifester leur foi monarchique devant le logement de Myngoon ; les notabilités indigènes complotaient le soulèvement de l’Arrakan, du Pegou et du Tenasserim et la formation d’une principauté dont le fils de Min Doon serait le chef ; ils l’assuraient de tout leur dévouement et le prouvaient par des dons généreux qui permettaient aux deux fugitifs de soutenir un train princier et d’acheter en cas de besoin d’utiles complicités.

Myngoon et son frère ne semblent pas avoir voulu profiter de cette situation ; mais l’exaltation grandissante de la population alarma le colonel Phayre qui crut devoir prendre quelques précautions. En interdisant leurs relations avec les habitans, il fit surveiller discrètement les deux princes et plaça des espions jusque dans leur entourage. Myngoon, avec son caractère chevaleresque et fier, vit un outrage dans cette méfiance. Comme à Mandalé, il comprit que son départ ferait cesser les inquiétudes, mais cette fois il voulut partir seul, car son frère Myngoon Din eût été trop jeune pour soutenir jusqu’au bout sans faiblir le rôle pénible de fils rebelle et d’hôte dangereux qu’on leur attribuait à tous deux.

Un matin d’octobre 1866 il quitta Rangoon, déguisé en marchand, accompagné de quelques fidèles serviteurs. Tantôt sur une barque, tantôt en charrette à bœufs, il se dirigea sans être reconnu vers les territoires du Siam qu’il atteignit après un voyage de trois semaines sans incidens. Mais sa présence à Xieng Mai où il comptait se fixer inquiéta bientôt le commissaire royal en résidence auprès du sobo de la région : l’invasion birmane et la prise d’Aynthia étaient encore trop récentes, les princes chans de Nan, Xieng Mai regrettaient trop la révolte qui leur avait fait échanger leur vassalité nominale envers le débonnaire gouvernement d’Ava contre le contrôle sans cesse plus tatillon et plus envahissant de Bangkok, pour que l’arrivée du prince Myngoon ne partit pas présager des troubles redoutables et prochains. Myngoon ne voulut pas être la cause de graves embarras pour l’hospitalier sobo de Xieng Mai. Après un court séjour dans la ville, il se remit en route et, franchissant la frontière incertaine qui séparait alors les États de Min Doon et de Chulah long Korn, il pénétra dans le pays Karini.

Cette région, comprise entre la Se Louen et le bassin du Mé-Nam,