Au moment où nous écrivions notre dernière chronique, l’entrevue
de l’empereur Guillaume et du prince de Bülow n’avait pas encore eu
lieu à Potsdam, et l’Allemagne attendait avec anxiété quel en serait
le résultat. Il y a eu rarement dans l’histoire une heure aussi importante pour une grande nation : l’intérêt en était presque tragique ; on
se demandait si l’Empereur céderait à son tempérament ou à son
patriotisme, s’il résisterait ou s’il s’inclinerait. La dernière hypothèse
nous semblait la plus vraisemblable : comment et avec quoi l’Empereur aurait-il pu résister à la volonté de tout son peuple ? L’avenir
lui apportera peut-être des compensations, mais le présent avait des
exigences si fortes qu’il fallait, comme Philinte, « fléchir au temps
sans obstination, » et c’est ce que l’Empereur a pris le parti de faire.
Que s’est-il passé au juste entre lui et M. de Bülow ? L’histoire le
saura sans doute. En attendant, nous devons nous contenter d’une
note publiée par le Moniteur officiel de l’Empire, et qui est due à la
collaboration de l’Empereur et du chancelier, et d’un long article
publié dans la Gazette de Cologne, qui est l’œuvre propre de ce dernier. Les deux documens ne se contredisent pas, mais ils ne se ressemblent guère. L’un procède de l’imperatoria brevitas à laquelle Guillaume II ne nous avait pas habitués ; l’autre, au contraire, est un morceau très développé, où le passé est traité sans ménagemens.
Voici la note du Moniteur officiel de l’Empire ; nous la reproduisons textuellement à cause de son importance historique : « Au cours de l’audience accordée aujourd’hui au chancelier de l’Empire, Sa Majesté l’Empereur et Roi a écouté un rapport de plusieurs heures du prince de Bülow. Le chancelier de l’Empire a dépeint l’état d’esprit qui s’est manifesté dans le peuple allemand à la suite de la publication du