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a fait « fausse route ; » le peuple est d’« une autre opinion que lui ; » il n’est que temps d’aviser. C’est là sans doute ce que M. de Bülow a exposé à l’Empereur à Potsdam, et l’Empereur a compris, il a admis ce langage. Il en a éprouvé d’abord quelque irritation. « L’orgueil et le tempérament, dit la Gazette de Cologne, étaient opposés à ce retour sur soi-même, mais le patriotisme et la nécessité politique étaient en sa faveur, et si la lutte intérieure qui s’est poursuivie chez l’Empereur a abouti de sa part à la renonciation, ce fait est d’autant plus digne de gratitude qu’il ne correspond pas à son caractère. » L’article conclut que la devise : « Un Empereur, un peuple, » vise un noble but. mais que ce but, l’Empereur l’a manqué « et qu’il peut être plus sûrement atteint par la voie de la limitation de soi-même que réclament les conditions modernes. » Qu’un article pareil ait pu paraître dans la Gazette de Cologne avec le signe particulier qui indique les communications officieuses, c’est un signe des temps, certes ! et il serait difficile d’en imaginer de plus expressif. Et pourtant, une partie de l’opinion allemande est restée inquiète et perplexe. Ce sont là des promesses et des mots : elle demande des « garanties. » La Gazette de Cologne avait répondu par avance à ces exigences, en les déclarant légitimes, car les constitutions, dit-elle, ne sont pas faites pour l’éternité et « le droit public d’un pays moderne ne peut pas se pétrifier. » On verra donc plus tard, avec sang-froid, avec calme, si des « suites législatives, — et lesquelles ? — doivent être données aux événemens actuels. » Mais « les déclarations impériales suffisent au besoin du moment, » et l’effort que Guillaume II a dû faire sur lui-même pour en venir là peut, en quelque mesure, être considéré comme une garantie. « Celui, dit la Gazette de Cologne, qui a dû livrer un si pénible combat, qui a goûté toute l’amertume des derniers événemens, fera de son mieux pour en éviter la répétition, et pour surmonter un défaut de tempérament qui a eu des conséquences aussi dures. » Donc, rien de plus pour aujourd’hui ; mais ceux qui poursuivent une réforme constitutionnelle conservent le droit de l’espérer pour demain. A l’Empereur lui-même l’article officieux ouvre une espérance, à savoir qu’« il reconnaîtra bientôt que la méthode pour laquelle il s’est décidé lui procurera, à la longue, de plus grands succès et une plus grande satisfaction intérieure que l’exercice sans ménagement d’un pouvoir rigoureusement personnel. »

Nous n’avons pas souffert comme les Allemands de la politique de l’Empereur : aussi avons-nous assisté à l’étrange spectacle de ce