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précédentes. Certains y voient au contraire une évolution eu sens inverse ; d’après eux, il n’y aurait plus de duel d’artillerie, plus d’attaque décisive, plus de masse, plus d’action du haut commandement.

Il n’y aurait plus de duel d’artillerie, sous prétexte qu’une artillerie à bouclier défilée est invulnérable. Ceci est inexact, car la vulnérabilité des officiers dans les batteries découvertes (et il y en aura toujours), ou à faible défilement, sera très réelle. L’importance du rôle des officiers est telle que leur disparition amoindrit beaucoup la valeur de l’unité. Quant aux batteries à grand défilement, on a vu en Mandchourie combien peu elles donnent ; de plus, si elles restent indemnes, elles peuvent tout au moins être complètement neutralisées par la fumée du shrapnel. La lutte d’artillerie aura donc pour résultat un affaiblissement certain de la moins forte. Mais cette lutte sera de très longue durée ; elle se produira en même temps que le combat des deux infanteries : lutte d’artillerie et combat de préparation ne feront plus deux phases distinctes, mais se confondront. Ce n’est pas nouveau ; il en était de même dans les guerres du premier Empire. On dit aussi qu’il n’y aura plus de concentration de force, que, par suite, il n’y aura plus besoin de masse et que, partant, l’action du haut commandement sera presque nulle : la bataille serait la juxtaposition de combats de petites unités, de sections d’infanterie, de batteries isolées qui mèneraient l’action sans l’intervention du commandement, chacune pour son compte. Cependant lorsque les deux adversaires seront face à face, lorsque successivement les batteries auront été toutes mises en action, peut-on penser qu’il n’y aura pas là une masse ? Peut-on penser que la masse la moins nombreuse, la plus disséminée, la moins commandée, aura des chances d’être la plus forte ? C’est la négation même de la force.

J’ai laissé de côté la question la plus grave peut-être, l’attaque décisive. On a dit et répété que la puissance croissante de l’armement rend de plus en plus impossible l’attaque décisive telle que la comprend notre règlement. Il convient de réfuter une semblable doctrine faite pour nous ramener aux idées de défensive qui nous ont perdus en 1870, comme elles ont perdu les Russes plus récemment. Je prétends au contraire que tout perfectionnement des armes à feu facilite les attaques bien organisées, bien préparées, bien conduites.