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de l’évêque de Tina, pour les États qui accepteraient de se réconcilier avec Rome, un régime ecclésiastique analogue à celui de la France : « L’un (des points), avait dit l’abbé, sera la souveraineté des princes sur leur Eglise, de la même manière que le roi de France la tient[1]. » Autrement dit, l’abbé Molanus réclamait pour l’Allemagne nos libertés gallicanes, idée qui avait peu de chances d’agréer au Saint-Père. Il fallait même être singulièrement ignorant des affaires de France pour s’imaginer que le pape Innocent XI consentirait à étendre à d’autres pays un régime qui le blessait dans le nôtre, et qui faillit le brouiller avec Louis XIV.

Nous ne possédons pas, et c’est grand dommage, la suite des conversations de la duchesse Sophie avec l’évêque de Tina et l’abbé Molanus ; la mort de Charles-Louis (1680) en a privé l’histoire. Nous savons seulement que le zèle catholique d’Ernest-Auguste et de la duchesse sa femme alla se refroidissant à mesure que des coups de fortune imprévus assuraient l’avenir de leurs enfans. Le jour où la duchesse Sophie put se dire que ses cadets ne seraient pas des « gueux, » ce couple pratique fut définitivement acquis à la Réforme, qui n’a pas lieu d’en être autrement fière.

Quant au projet de réunion des deux Eglises, il languit longtemps. Il avait naturellement attiré l’attention générale. En dehors de l’Allemagne, Louis XIV le suivait avec infiniment de soin et d’intérêt, et, sans doute, les raisons religieuses y étaient pour beaucoup, mais les raisons politiques y étaient aussi pour quelque chose, ne fût-ce qu’à cause du trouble qu’un événement de cette envergure aurait jeté dans le système d’alliances de la France. Pour des considérations analogues, la question ne préoccupait pas moins les États protestans tels que la Hollande et l’Angleterre. Ajoutez enfin que la correspondance où Leibniz et Bossuet ont discuté la possibilité de la réunion a commencé en 1691, et que ces deux grands noms apportèrent à l’entreprise l’autorité qui manquait à l’évêque de Tina. Malgré tant de motifs de frapper les esprits, l’affaire s’en alla en fumée, à une date et pour des causes qui n’ont pas encore été tirées au clair ; j’ai déjà dit que l’histoire de cette tentative était à faire. On en trouvera probablement le dernier mot aux Archives du Vatican.

  1. Du 7 février 1679 à Charles-Louis.