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d’Eglise accommoderaient bien nos cadets[1]. » La duchesse avait beaucoup d’enfans à établir. Un jour qu’elle avait vu l’évêque de Tina s’agiter pour des difficultés dogmatiques, elle écrivit à son frère, assurée d’en être comprise : « Ce ne sont pas ces points-là qui nous touchent fort le cœur, pensais-je en moi-même ; il faudrait de bons bénéfices pour nos enfans, ce qui les accommoderait plus que des spéculations où personne n’entend rien. Si l’on doit rentrer dans l’Église romaine, il faut qu’on nous récompense pour cela, car nous sommes d’opinion que nous pouvons être sauvés comme nous sommes, et qu’on le peut être aussi de l’autre manière ; pourquoi donc changer pour rien[2] ? » Elle y revenait sans cesse, et quelques théologiens protestans étaient de son avis : « Ne point rendre les biens d’Église, mais, au contraire, en pouvoir posséder davantage[3]. » Pour certaines personnes, l’affaire de la réunion des deux Eglises tenait tout entière dans cette formule.

Rome était résignée à payer. Elle ne voulait pourtant pas faire un marché de dupe, et son nonce à Vienne l’engageait toujours à se défier : il jugeait l’entreprise impraticable. Charles-Louis en était venu de son côté à la proclamer « chimérique[4]. » Tous les deux savaient à quelle opposition formidable on se heurterait en dehors des châteaux des princes. La duchesse Sophie elle-même était forcée d’en convenir : « Contre mon attente, ceux de notre religion sont les plus sots dans cette rencontre[5]. » Et même dans les châteaux, les plus avides étaient arrêtés par une idée indépendante des « articles de foi. » Les princes protestans, Charles-Louis en tête, craignaient que la réunion des deux Églises n’amenât des conflits d’autorité avec Rome. Depuis la Réforme, charbonnier était maître en sa maison : il ne supportait plus la pensée que le Pape se mêlât de ses affaires.

Un théologien protestant, l’abbé Molanus, dont il est souvent question dans Bossuet, avait trouvé un expédient propre à rassurer les princes. Il avait confié à la duchesse Sophie, au cours d’un entretien sur les « points » à régler, qu’il espérait obtenir

  1. A Charles-Louis, le 8 décembre 1678.
  2. Du 26 janvier 1679.
  3. Du 7 février 1679.
  4. Lettre du 8 février 1679.
  5. Lettre du 8 décembre 1678, à Charles-Louis.