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allemand était le seul titre qui convenait. Cette dénomination déplut au Roi ainsi qu’à moi-même, mais cela en pure perte. Bismarck chercha à prouver que le titre d’Empereur d’Allemagne indiquait un pouvoir territorial sur l’Empire, ce que nous ne possédions certainement pas ; tandis que « Empereur allemand » était la conséquence naturelle de Imperator romanus. Bismarck ajouta qu’il fallait se résigner à prendre ce titre, mais que, dans le langage courant, on pourrait dire « de l’Allemagne, » mais ne jamais employer l’expression de royale et impériale Majesté[1]. Puisqu’il était reconnu que nous ne possédions aucun pouvoir territorial sur l’Empire, le porteur de la couronne et son héritier étaient les seuls, à vrai dire, désignés pour avoir le titre impérial, et il fallait rejeter l’opinion émise par moi, à savoir que notre famille tout entière pouvait recevoir le titre de famille impériale.

« Il y eut ensuite de longs débats sur les rapports entre le titre d’Empereur et celui de Roi, parce que Sa Majesté, contrairement à la vieille tradition prussienne, plaçait le titre d’Empereur au-dessus de celui de Roi. Les deux ministres[2] et moi, nous avions un avis contraire en nous référant aux Archives dans lesquelles il était rappelé que Frédéric 1er faisait remarquer que lorsque le Tsar fut reconnu Empereur, jamais il n’osa prendre la préséance sur le roi de Prusse. Frédéric Guillaume Ier, en se rencontrant avec l’Empereur allemand (d’Autriche), avait lui-même exigé d’être traité comme lui et d’entrer en même temps que lui dans une tente qui avait deux portes. Enfin, on ajouta que Frédéric-Guillaume IV aurait voulu faire admettre la subordination de la Prusse à la maison archiducale d’Autriche, et le Roi dit que Frédéric-Guillaume III, lors de son entrevue avec Alexandre Ier, aurait déterminé que la préséance appartenait à ce dernier comme Empereur et qu’actuellement la volonté de son père était un exemple pour lui. En attendant, comme la discussion avait déterminé que notre famille devait garder sa situation première, le Roi exprima le désir de la placer dans la suite sur le pied d’égalité avec les maisons impériales. Mais rien ne fut décidé à cet égard. La solution fut retardée jusqu’à la paix ou jusqu’au couronnement, à une époque indéterminée. Il ne fut pas question de nommer des ministres de l’Empire.

  1. L’Empereur actuel signe cependant ses actes officiels : Imperator Rex.
  2. Schleinitz assistait à la discussion. Le grand-duc de Baile également.