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elle en a, je voudrais la connaître bien. Dieu, que je hais la bêtise ! Il n’y a pas de jours où elle ne me fasse perdre patience dix fois. Enfin, tâchons de ne pas y penser. J’irai voir Sémirarnide encore avant de me décider ; mais Rossini est un vrai sybarite et n’est pas capable d’être autre chose.


Samedi, 7 janvier.

Le verrai-je ou non, aujourd’hui ? Voilà mon unique pensée, ou plutôt, je n’espère presque pas le voir, mais j’en ai une fièvre de désir. Voici pourtant quatre jours que la tête me tourne ; quelle délicieuse soirée j’ai passée mercredi ! Quel retour ! Nous perdrons tous deux la tête, si cela dure, car il a l’air aussi plein de moi que je sens que je le suis de lui ; il est venu jeudi soir, et je l’ai vu hier, et que de peine à s’en aller, oh ! Dieu ! Tout moi se dilate de bonheur en y pensant. Je ne songe qu’à cela. En lisant, mes. pensées errent, je ne dors ni ne mange, non, je suis sûre qu’il n’en est pas à ce point de folie ! Qu’est-ce qu’il m’a dit ? Tant de choses ! Il est si plein d’idées, si éloquent, si varié ! Son imagination est si souple, son esprit si prompt,... je ne puis en écrire, les paroles me font pitié : c’est ce qu’il disait de M. Fauriel. Les paroles lui font pitié. Mon Dieu ! quand le reverrai-je ? peut-être j’ai à languir plusieurs jours comme cela dans une attente perpétuelle.


Mary Clarke à Claude Fauriel

Je souffre tellement, que je ne sais plus quel régime prendre ! Cessez de venir ; car vous voir comme je vous vois est un supplice de Tantale. J’ai toujours des abîmes de plaintes qui m’étouffent et j’ai depuis quelque temps un sentiment à votre égard qui va en augmentant, c’est la crainte ; un mot taquin de vous devant tous ces importuns auquel je n’ai aucune chance ni moyen de répondre, me donne des convulsions toute la nuit. Je n’ose pas vous parler, j’ai une méfiance de moi qui m’écrase. Depuis plusieurs années, je sens d’avance que toutes les fois que je vous exprime un désir, il y a quatre chances contre une que vous me le refuserez ; mais je me disais : « C’est temporaire, il changera, puis un long avenir m’en dédommagera ; il est de mauvaise humeur parce qu’il est malheureux, mais il m’aime. » Je n’ai plus ces illusions, le présent est odieux, le