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Ces événemens, ce furent, d’une part, la révolution « Jeune-Turque » et, d’autre part, la propagande serbe en Bosnie.

Depuis plusieurs années, le gouvernement de Vienne cherchait le moyen de donner à la Bosnie-Herzégovine des institutions constitutionnelles, un Landtag ; ce serait le couronnement de l’œuvre d’organisation accomplie par lui dans les deux provinces. Mais les juristes cherchaient en vain une formule ; ils ne pouvaient pas la trouver tant que subsistait la fiction créée par le traité de Berlin. Le moyen, en effet, pour l’Empereur et Roi, de donner une constitution à des sujets du Sultan ? L’urgence d’une solution devint plus que jamais évidente après le succès de la révolution « Jeune-Turque » et la remise en vigueur, dans l’Empire ottoman, de la Constitution de 1876. La Bosnie-Herzégovine allait-elle donc demeurer le seul pays européen privé de toute espèce de régime représentatif ? Ou bien allait-elle envoyer des députés à Constantinople ? Les musulmans de Bosnie, qui sont 600 000, gagnés par l’enthousiasme constitutionnel et libéral, le proposèrent. C’est ce que l’Autriche ne pouvait évidemment pas tolérer. Il fallait donc établir une situation nette, rompre tout lien avec l’Empire ottoman, annexer les deux provinces pour leur donner ensuite une constitution.

Le gouvernement de Vienne connaît depuis longtemps l’existence et l’organisation de la propagande serbe en Bosnie ; elle a son centre au ministère même des Affaires étrangères, à Belgrade ; elle forme une section spéciale organisée par un diplomate énergique et distingué, M. Spalaïkovitch ; elle rayonne sur tous les pays où l’on parle serbe : en Vieille-Serbie turque, dans le sandjak de Novi-Bazar, en Hongrie dans le banat de Temesvar, en Dalmatie, et surtout en Bosnie-Herzégovine. Des agens serbes parcourent la contrée, excitant les esprits contre l’Autriche, propageant l’idée d’une Grande-Serbie qui engloberait tous les pays serbes. M. Spalaïkovitch qui a, par ses alliances de famille, des relations dans toute la province, a fait, sous un faux nom, un long séjour en Bosnie. C’est le procès d’Agram qui, au cours de cet été, révéla l’imminence du péril, l’importance de l’organisation serbe et le succès de sa propagande : Une vaste conspiration s’étendait sur tout le territoire bosniaque ; elle avait des ramifications jusque dans le Monténégro où était préparé l’assassinat du prince Nicolas et le renversement de sa dynastie au profit des Karageorges ; le but suprême était de provoquer