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Nous avons cependant une réserve à faire, et, en la faisant, nous nous conformons à l’exemple que nous donne l’Allemagne elle-même. M. de Bülow dit, dans son discours, qu’avant tout l’Allemagne devait rester fidèle à son alliée qui est l’Autriche : nous devons de même rester fidèles à notre alliée, qui est la Russie, et à nos amies, qui sont l’Angleterre et la Porte. N’ayant pas nous-mêmes d’intérêts directs dans les affaires des Balkans, il est naturel que nous favorisions les leurs et que nous nous efforcions de les faire prévaloir, sans négliger cependant de donner partout des conseils de modération et de conciliation. M. de Bülow, qui est passe maître dans l’art des sous-entendus, laisse comprendre que l’initiative de l’Autriche a peut-être causé à l’Allemagne quelque gêne ; mais ce n’est pas une raison pour manquer au premier principe de la politique qui est de rester fidèle aux alliances. « Nous avons été informés, a-t-il dit, par le gouvernement austro-hongrois, en même temps que l’Italie et la Russie, de son intention de transformer l’occupation de l’Herzégovine et de la Bosnie en annexion. Quant au moment et à la forme de cette annexion, nous ne savions rien de plus précis. Je ne songe pas à en faire un reproche au Cabinet de Vienne : je vous avouerai même que je lui en ai été reconnaissant. » Il est difficile d’exprimer avec plus de finesse qu’une confiance plus grande, plus empressée, de la part de l’Autriche, aurait pu mettre l’Allemagne dans l’embarras. M. de Bülow aimait mieux ne pas savoir par avance certaines choses : il se regarde toutefois comme obligé de s’en accommoder après coup. On pourrait croire, au premier abord, que cette obligation politique de marcher toujours d’accord avec l’Autriche est de nature à causer à l’Allemagne quelques difficultés avec d’autres puissances. Avec la Russie, par exemple : mais non, M. de Bülow affirme que l’Allemagne est très bien avec la Russie, et que lui-même s’entend parfaitement avec M. Isvolski. « Nous partageons, dit-il, M. Isvolski et moi, la même conviction que la politique allemande n’aura pas de pointe contre la Russie, et réciproquement : bien au contraire, que l’amitié traditionnelle entre les deux puissances doit être maintenue. » Donc, pas de difficulté avec la Russie. M. de Bülow regarde alors du côté de l’Angleterre. « Si l’Angleterre, dit-il, a adopté dans ces derniers temps une politique amicale à l’égard de la Turquie, nous avons heu tout les premiers de nous en réjouir, car nous souhaitons une Turquie forte. L’Angleterre souhaitant la même chose, les relations entre l’Empire britannique et l’Allemagne ne peuvent qu’en être améliorées. Les deux pays ne se font pas concurrence à Constantinople. » Donc, pas de difficulté