Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de faire des efforts pour être aimable ; je n’ai envie que de faire des reproches, je n’y cède pas, et je reste muette. Je lui ai dit en s’en allant : « Je ne vous verrai donc pas demain. » Il m’a dit : « Peut-être que si, mon Dieu ! » Si je pouvais le voir une heure seule, eh bien ! je fondrais en larmes et je ne dirais rien de tout ce qui me tourmente, car j’oublie tout lorsque je l’ai revu. Le lendemain de ce malheureux mardi qui a tout éclairci, il était tout autre. Je lui ai fait l’histoire de la cause de ma conduite, je lui ai rappelé les différentes preuves de tendresse que je lui ai données. Il m’a dit qu’il voudrait bien me revenir, qu’il s’était senti trop content de retourner à moi après Mme D..., et puis cela s’est en allé comme un songe. Il m’a dit qu’il ne pouvait se passer de moi ; pourtant s’il était allé à Genève comme il s’y était décidé, il s’en serait bien passé. Je voudrais lui demander ce qu’il pensait de cela. Il m’a dit que la vie qu’il menait était si pénible, qu’il pouvait tout juste la supporter. Il m’a suppliée de ne pas l’agiter et de ne pas lui ôter le courage qui lui reste. C’est peut-être vrai, et quand je le vois si changé, je n’ai plus le courage de lui parler de mes peines. Il m’a dit de lui demander tout ce qui était dans son pouvoir, qu’il était prêt à le faire. Je lui répondis, et j’étais fondue en larmes, que je ne pouvais lui demander rien, qu’être aimée était la seule chose que je pouvais désirer. Cela ne dépendait pas de lui. Je lui ai rappelé que j’aimai une seule fois dans ma vie, que du temps de Cousin je n’avais cessé d’avoir ce besoin inextingible de le voir. Il m’a dit qu’il avait toujours besoin de me voir aussi ; oui, mais en moi c’est comme un charbon ardent. Mon Dieu ! si je pouvais prendre patience, peut-être qu’il me reviendrait. Il le souhaite lui-même, et quelquefois je pense que c’est cela surtout qui me montre l’impossibilité. L’attrait est passé, et cela date de loin. Il m’a dit que déjà avant Mme D... c’était presque passé, que Mme C... et les injures que je lui ai dites à son sujet lui avaient fait un grand mal, et moi je me rappelle son manque de sympathie avec moi dans cette malheureuse affaire. Eh ! mon Dieu ! quand il m’aimait de son mieux, il ne me satisfaisait jamais entièrement ou très rarement. Je me rappelle qu’à Milan, où il croit qu’il m’aimait, je fus si frappée de la chaleur d’une lettre de miss B... ! Je me disais : Mon Dieu ! voilà donc un peu d’ardeur, quel soulagement comparé à ce froid qui m’entoure et me glace ! Nous n’étions pas faits l’un pour l’autre ; sa manière d’être