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dans ma vieillesse. De toutes ces espérances, de tous ces succès, de ce nombre de sentimens passionnés que j’ai inspirés, que me restera-t-il ? de vous demander presque à genoux de demeurer dans la même maison que moi et de l’obtenir en vous contrariant. Ah ! quelle leçon ! C’est singulier que les Grecs en soient la cause. Nous ne serions pas restés en Italie sans eux, et nous ne nous serions point séparés. Ce dénouement ne sera jamais connu que de Dieu et de vous. Encore, à peine si vous vous en rendez compte, mais cela est. Est-il étonnant que leur ayant tant sacrifié, je sois encore repassionnée par eux ? Mais il y a si longtemps que je suis accoutumée à perdre tout ce pourquoi je me passionne, que je ne doute pas qu’ils ne soient écrasés.

Ma lettre est bien triste, mais moins que moi. Je vois tout couleur de plomb, je serais mieux à Paris, ce n’est pas que le fond de mon âme soit jamais autrement, mais je m’étourdis et m’amuse. Mme de Staël disait bien que Paris était le seul endroit où on pouvait se passer de bonheur. Ah ! si l’on pouvait recommencer à vivre ! Je n’ai pas une âme ici dont la vue me donne du plaisir. On entre, on sort, tout m’est égal. Quand le jour commence, je ne puis jamais me dire que je suis sûre d’avoir un bon moment avant de me coucher ! Quelle existence fade et insipide ! Oh ! j’ai lu des vers par une femme, dernièrement, qui m’ont transportée ! Je vous les porterai : j’aurais dû les avoir faits, ce sont mes sentimens tout entiers. Adieu, je n’ai pas la force de désirer ardemment de vous revoir, car je ne sais si cela vous fera plaisir ou du moins assez plaisir ; pour de la modération, je l’exècre !


ÉPILOGUE


M.

Madame Freven Turner de Coldoverton a l’honneur de vous faire part du mariage de sa sœur, Mademoiselle Marie Elisabeth Clarke avec Monsieur Jules Mohl, Membre de l’Institut.


Paris, le 11 août 1847.