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POÉSIES


MATER


Si tu n’étais pas morte, ô mère, c’est pour loi
Que mes hymnes nouveaux, encor vibrans d’émoi,
Garderaient la fraîcheur de leur vierge harmonie.
A l’heure où l’ombre avec nos songes communie,
Où la lampe du soir, sœur de l’étoile, éclôt,
O mère de bonté, qui nous quittas trop tôt,
C’est pour toi, tu le sais, qu’à cette humble lumière
Frémirait mon poème en sa grâce première.
Car c’est toi qui berças mes rêves enfantins ;
Qui, malgré la rigueur des funestes destins,
Suspendis à mon cœur les cadences futures ;
Et, nourrissant mon âme éprise d’aventures,
De l’héroïsme épars en tes récits touchans,
Créas les visions dont rayonnent mes chants.
O mère de douceur, si tu n’étais pas morte.
Que de fois, tous les deux, ayant fermé la porte
Pour nous sentir avec les ancêtres plus seuls,
Nous eussions contemplé ces milliers de linceuls
Où souffle un vent sacré de légendes. O mère,
Mère adorable, et dont le sillage éphémère
S’efface lentement sur les funèbres Eaux,
Si le sol n’avait pas enseveli tes os,