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s’étonne, résiste et se défend. Siegfried, inconscient de sa propre trahison, lui fait violence, lui ravit l’anneau qu’en la quittant il lui laissa pour gage et, la ramenant par force, il la remet aux mains de Gunther.

On célèbre l’hymen de Siegfried et de Gutrune, lorsque Brunnhilde aperçoit le héros et l’anneau qui brille à son doigt. Au comble de la surprise et de l’horreur, elle dénonce, sans le pouvoir démêler, l’imbroglio tragique, et jure, avec Hagen et Gunther, la mort de son infidèle époux.

Un jour que Siegfried, à la chasse, a perdu ses compagnons, errant sur le bord du fleuve, il entend les trois ondines lui redemander l’anneau. Incrédule à leur avis, insouciant du péril, il refuse en riant de le leur rendre. Bientôt Hagen, Gunther et les autres le rejoignent. Pour charmer quelques instans de halte, tous le prient de leur conter sa vie et ses travaux. Hagen alors lui verse un second philtre, qui le rend à lui-même. Siegfried peu à peu se reprend et se reconnaît. Il s’enchante au souvenir, au récit de son merveilleux destin. Il dit sa jeunesse sauvage, héroïque, amoureuse, la traversée de la flamme, et, sur la cime ardente, la vierge qu’éveilla son baiser. Juste à ce moment, Hagen, qui le guettait, le frappe de son épieu, par derrière. il tombe, il meurt, exhalant dans son dernier soupir le nom retrouvé de Brunnhilde. Sur son cadavre, ramené dans le palais, Gunther à son tour est tué par Hagen, auquel il disputait l’anneau. Enfin, parmi les flammes du bûcher où se consument les dépouilles du héros, Brunnhilde, qui maintenant comprend et pardonne, s’élance elle-même et rejette dans les flots du Rhin le joyau dont la possession a causé tant de malheurs et de ruines. Les personnages humains de la tragédie jonchent la terre de leurs cadavres ; au-dessus du fleuve, les filles du Rhin élèvent joyeusement l’or redevenu pur entre leurs mains innocentes, et dans le ciel même, le Walhalla s’embrase, éclairant le crépuscule des dieux.

Tel est ce drame, le dernier de la Tétralogie et peut-être celui des quatre auquel le nom de drame, ou d’action, convient le mieux. Sur ce point comme sur d’autres, M. Paul Lindau, naguère, ne s’est pas trompé. « La Götterdämmerung, écrivait-il de Bayreuth, dès les premières représentations de la Tétralogie, est peut-être, au point de vue dramatique et théâtral, la partie la plus importante de l’Anneau du Nibelung… L’action y est beaucoup plus riche que dans les autres drames. Le poète y concède même au public quelques situations réellement captivantes. Tandis que le dialogue à deux personnages