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De là l’horizon se développe, en arrière, sur le Quercy aux collines couvertes de chênes. Au Nord, le regard se repose sur la Dordogne et sur les escarpemens du Causse.

L’état de fortune du seigneur Pons de Salignac de La Mothe-Fénelon était devenu bien médiocre. L’inventaire fait à sa mort nous rapporte, par exemple, qu’il y avait au château un carrosse, deux attelages et des chevaux de selle : seulement le premier attelage est vieux, l’un des chevaux en est aveugle. Quant à l’autre attelage (des jumens cette fois), l’une des jumens est « épaulée, » l’autre « éborgnée, » toutes deux hors d’âge ! Je ne parle pas des chevaux de selle. L’argenterie (bassin, « eyguières, » écuelles, coupe et soucoupe, vinaigrette, douze « cueillères, » huit fourchettes, cinq flambeaux divers) pèse en tout trente-huit marcs deux onces. Les tapisseries, les housses, les rideaux des lits, tout est usé et quelquefois « fort usé. » Les meubles sont souvent « rompus. » C’est un luxe qui a vieilli. On y est attaché pourtant par les souvenirs, par la noblesse des souvenirs et par le cœur. Toute sa vie, même dans le palais de Cambrai, Fénelon tournera les yeux vers sa « pauvre Ithaque et les Pénates gothiques de ses pères. » Sa pauvre Ithaque est plus douce à ses yeux et plus touchante que les richesses et les splendeurs un peu trop neuves du siècle.

Et, d’ailleurs, est-il un pays plus attachant que son pays natal ? La vallée de la Dordogne, depuis Saint-Cyprien jusqu’à Carennac, est une merveille de beauté, de variété et d’art. D’un tournant à l’autre, l’aspect change : torrent, « rochers affreux, » puis « riantes prairies, » « îles bordées de tilleuls et de hauts peupliers, » toutes les beautés s’y trouvent. Mais le trait singulier de ce paysage, c’est l’air qu’il a d’être une œuvre taillée aux proportions humaines. Ces montagnes, en dix minutes, vous en avez atteint les sommets, qui « sont des campagnes. » Ces rochers remplis d’horreur n’épouvantent que les yeux, les châteaux s’y campent, les villages s’y accotent. Ces lieux sont justement un cadre. Ils valent par leur beauté et ils font valoir la beauté des choses. Ils enseignent à qui saura le comprendre que l’univers est l’œuvre d’un Dieu aimable et bon qui a pensé aux hommes. Fénelon, tout enfant, se promenait souvent avec un domestique vieux et un peu brutal (était-ce le sommelier Antoine Lazare ? était-ce le cocher Guilhen Contré ? était-ce, qui sait ? le « précepteur des enfans du second lit, » le sieur