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paroisse ou un diocèse, comme aumônier, curé ou vicaire général. Eh bien ! ne serait-ce pas à cette dernière profession, si médiocre (humainement parlant) mais si vraiment religieuse, que le marquis de Fénelon et M. Tronson voulaient réduire le plus brillant esprit, le plus éblouissant génie du XVIIe siècle ? n’est-ce pas à ce dessein qu’ils ont mené Fénelon ?

En effet, après une tentative inutile de son autre oncle, l’évêque de Sarlat, pour le faire désigner comme député à l’assemblée du clergé de France (ce dignitaire ecclésiastique avait peut-être sur ta vie ecclésiastique d’autres idées que M. Tronson et que le marquis son frère), il se résolut à demeurer dans la communauté des prêtres de Saint-Sulpice. Il était spécialement chargé, dit-on, d’expliquer l’Écriture sainte au peuple les dimanches et jours de fête. Il y resta trois ans. En 1679, il remplaça, au couvent des Nouvelles Converties, son ancien condisciple du collège du Plessis, Louis-Antoine de Noailles, qui en était supérieur, et qui venait d’être appelé à l’évêché de Cahors. Nous avons son portrait à cette date. La peinture manque d’éclat, je l’avoue, mais on peut s’y fier, elle est de M. Tronson. Un cousin du supérieur de Saint-Sulpice, Guy Scève de Rochechouart, évêque d’Arras, lui demanda un jour un archidiacre pour sa cathédrale. M. Tronson répondit en désignant deux candidats. Voici ce que je lis dans sa lettre : « L’un est le neveu du marquis de Fénelon, qui n’a pas grand emploi et qui ne manque ni de zèle, ni de capacité. Il est d’un caractère d’esprit fort honnête, agréable, et délié, qui a talent pour la conversation et pour la prédication, et qui, à sa santé près qui n’est pas des meilleures, serait en état de se bien acquitter de tous les emplois qu’on pourrait lui donner. L’autre est un docteur qui a beaucoup de zèle, mais qui n’a pas tant de talens extérieurs… » Nous le croyons sans peine ! M. Tronson ajoute : « Il y a longtemps que je les connais, et je puis répondre de leur piété. »

Tel était bien Fénelon sous la conduite de M. Tronson : un génie exquis et un ouvrier de la vie chrétienne.


III

À cette influence de Saint-Sulpice s’ajoute celle de Bossuet. Car Fénelon a longtemps fréquenté Bossuet comme un maître. Pour lui il a refusé la protection de Harlay de Chanvallon, ce