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votre âme sera docile aux mouvemens de la grâce. Croyez-moi, l’éducation d’un prince que Dieu veut sanctifier (car je suis certaine qu’il en fera un saint) se doit faire avec une entière dépendance aux mouvemens de l’esprit sanctificateur... Quoique dans l’extrême jeunesse vous ne voyiez pas encore tout le fruit que vous pourriez prétendre, soyez persuadé que ce sera un fruit exquis en sa saison... il redressera ce qui est presque détruit, et déjà sur le penchant d’une ruine totale, par le vrai esprit de foi… Je vois déjà une partie accomplie de ce que Notre-Seigneur m’a fait connaître ; et, quand le reste arrivera, je vous dirai : Nunc dimittis. Je vous assure en Dieu même que vous n’êtes pas là seulement pour le petit prince, mais pour le plus grand Prince du monde. » Fénelon répondit : « ,.. Votre lettre m’a fait un grand plaisir pour apaiser mes sens émus, et pour me rappeler au recueillement. Dieu soit béni de tout pour lui seul ; je vous suis dévoué en lui avec une reconnaissance infinie. A toutes ces choses que vous m’annoncez, je sens cette réponse fixe au fond de mon cœur : fiat mihi secundum verbum tuum. Il me semble que Dieu veut me porter comme un petit enfant et que je ne pourrais faire un pas de moi-même, sans tomber. Pourvu qu’il fasse sa volonté en moi et par moi, quoi qu’il arrive, tout sera bon. » Peu de jours, après, il écrivait encore : « Ce que je vois, quoique nouveau et flatteur pour moi, ne m’entre point au cœur, et je ne puis m’empêcher de me rendre ce témoignage que ce n’est pas là ce que j’aime. Dieu sait où il met mon amour, c’est à lui de le garder... Vous m’avez promis de m’envoyer quelque chose de votre façon sur mon nouvel état ; j’espère que vous aurez cette bonté... Je suis de plus en plus uni à vous en Notre-Seigneur. » Mais déjà il était entré en fonctions : c’est désormais un grand personnage. Il nous échappe.


VII

Lorsque Fénelon fut nommé précepteur du Duc de Bourgogne, Bossuet, écrivant à la marquise de Laval pour la féliciter de l’élévation de son cousin (la marquise de Laval était la fille du marquis de Fénelon), lui disait ceci : « Hier, madame, je ne fus occupé que du bonheur de l’Église et de l’Etat ; aujourd’hui j’ai eu le loisir de réfléchir avec plus d’attention sur votre joie ; elle m’en a donné une très sensible. Monsieur votre père, un