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à lui encore que nous empruntons la constatation de la difficulté de bien élever les enfans dans les circonstances où se trouve le pays : « Les enfans sont du nombre des choses qui n’ont pas fuit de quoi être désirées, notamment à cette heure qu’il serait si difficile de les rendre bons... »

Faut-il croire que les filles, en grandissant au sein d’émotions fréquentes, au spectacle de scènes de violence, avaient acquis du moins une résolution et une énergie précoces et rares, à tout âge, dans leur sexe ? Cela est fort vraisemblable et il y a même un passage de Montaigne — quel historien que ce moraliste ! — qui semble bien dire qu’au moment où il écrivait son troisième livre, l’éducation domestique tendait à développer l’assurance chez les filles avec autant de soin que l’éducation antérieure à leur apprendre la réserve et la timidité. Il se serait donc introduit, sous l’influence des guerres civiles, dans les habitudes, les allures et par suite le caractère des jeunes filles, une certaine virilité. On n’en continuait pas moins d’ailleurs à les élever pour plaire et pour se faire aimer, à entretenir chez elles le goût de la parure et la coquetterie en persistant à leur cacher le genre de succès, légitime et périlleux, qu’elles pouvaient devoir à leurs agrémens. L’auteur des Essais, dont la sincérité ne recule devant rien, ajoute que leur précoce pénétration se joue de ces précautions et que, sur ce qu’on leur dissimule avec tant de soin et qui les intéresse le plus, elles n’ont généralement rien à apprendre. Laissons là, une bonne fois, ce médisant, qu’on a tant de peine à quitter, et concluons que l’influence des guerres civiles n’avait pas été moins désastreuse pour l’éducation des filles que pour toutes les parties de la vie morale et sociale.

Le XVIe siècle touchait à sa fin quand l’idée de créer, pour l’éducation en commun de la jeunesse féminine, un personnel qui satisferait tous les scrupules et toutes les exigences du temps en fait de moralité et d’instruction, donna naissance, dans notre pays, à deux-congrégations religieuses : les Ursulines et les Augustines de Notre-Dame.

La première eut une origine italienne, ayant été fondée, en 1587, dans la péninsule par sainte Angèle de Brescia et s’y étant développée sous le patronage de saint Charles Borromée. Elle semble s’être établie en 1592 en France, dans le Comtat Venaissin, à Avignon d’abord, puis à l’Isle-sur-Sorgue par le concours de César de Bus, le fondateur des Pères de la Doctrine