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des yeux de velours, des traits réguliers, un teint éclatant, des attaches fines, des cheveux superbes, elle respirait la fraîcheur et la grâce. Elle était, sinon savante, du moins cultivée, surtout au point de vue des arts d’agrément, elle aimait la musique et dansait à ravir ; comme caractère, c’était encore une enfant, qui, grandie dans une atmosphère indulgente et affectueuse, n’avait pas appris à dominer ses impressions. Elle était tendre et généreuse, mais volontaire et passionnée. De sa mère française, elle tenait une élégance naturelle, qui contrastait avec les habitudes des princesses allemandes, ses voisines ; son amour de la toilette survécut à ses malheurs : vieillie et prisonnière, elle se mettra encore des diamans dans les cheveux pour ses promenades solitaires à travers la plaine désolée d’Ahlden ! Sophie-Dorothée tenait aussi, de sa race maternelle, une parole vive, incisive et mordante, un esprit moqueur, dont les saillies lui furent cruellement reprochées. Un mari à la fois affectueux et sage aurait pu, en gagnant son cœur, discipliner sa nature prime-sautière et en développer les côtés nobles et généreux. Jetée si jeune dans un milieu hostile, elle se cabra contre l’animosité qui la poursuivait ; ses défauts s’accentuèrent, son âme volontaire s’irrita, et les fleurs de dévouement et de générosité, que des influences meilleures eussent fait éclore, s’étiolèrent dans l’atmosphère malfaisante et corrompue de la Cour de Hanovre.


II. — PHILIPPE DE KÖNIGSMARCK

L’union contractée par le prince héritier était populaire en Hanovre et les époux y furent accueillis avec enthousiasme.

Dans les fêtes qui suivirent, Sophie-Dorothée fit la conquête de ses futurs sujets : sa beauté, sa fortune, sa jeunesse enchantèrent les braves Hanovriens, et son beau-père, moins prévenu que sa femme contre l’enfant de la « Française, » lui témoigna, au début, une bienveillance marquée.

La Cour de Hanovre était plus corrompue et plus grossière que la Cour de Celle, mais, à défaut de correction et de bon goût, la duchesse Sophie y avait implanté une étiquette sévère qui pesa lourdement sur la princesse habituée à l’atmosphère familiale de sa petite patrie. Ses manquemens à cet égard étaient soulignes par son altière belle-mère qui les attribuait à l’influence de