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Antoine-Ulrich se tira, non sans dignité, de cette position difficile et, contenant avec peine sa colère, il quitta immédiatement Celle.

Débarrassé de cet importun visiteur, le duc de Celle se rendit chez sa fille ; elle était encore couchée, et sa mère, assise près de son lit, s’efforçait en vain d’arrêter ses sanglots. Habituée à être traitée par son père avec une extrême indulgence, elle vit avec surprise, pour la première fois, la volonté paternelle se dresser contre la sienne. Le duc lui ayant présenté une miniature de Georges-Louis, sertie de diamans, don de sa future belle-mère, elle la jeta loin d’elle avec tant de violence que le portrait se brisa et les diamans jonchèrent le sol. Enfin, cédant aux prières de sa mère, elle se leva et descendit pour saluer la duchesse Sophie, mais sa figure défaite et ses yeux gonflés en disaient long ! Le lendemain, arrivèrent le fiancé et son père, le premier plus maussade encore que d’habitude, le second enchanté de l’heureux succès des négociations : Sophie-Dorothée, en les voyant, tomba sans connaissance.

Malgré la répugnance de la triste fiancée, les préparatifs du mariage se firent rapidement ; le duc de Celle donnait à sa fille une dot considérable ; mais le contrat, rédigé sous l’inspiration des princes de Hanovre, servis par Bernstorff, était formulé de telle sorte que la princesse restait sous la dépendance absolue de son mari et de son père.

Le 21 novembre 1682, le mariage princier fut célébré au château de Celle : la ville était pavoisée, le « Schloss » rempli d’hôtes illustres, la princesse couverte de bijoux ; mais, au milieu de ces magnificences, la duchesse Eléonore était inquiète et la mariée d’une tristesse mortelle.

Un orage épouvantable éclata pendant la cérémonie ; le ciel était noir, un vent violent ébranlait les vieux murs du château et les assistans, péniblement impressionnés, regardaient avec pitié la jeune épousée, victime innocente d’un marché odieux, toute pâle sous ses somptueux atours.

Jamais couple plus mal assorti ne commença côte à côte le voyage de la vie, voyage qui, pour les meilleurs et les plus unis, a ses difficultés et ses heurts. Nous connaissons le taciturne Georges-Louis, à qui manquaient même ces formes extérieures qui masquent parfois la sécheresse du cœur.

Sophie-Dorothée, à seize ans, était charmante ; brune, avec