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un ardent désir d’embrasser ses enfans. Le même jour, elle s’adressait, dans le même sens, à sa belle-mère pour solliciter son intervention ; les deux lettres demeurèrent sans réponse.

Une consolation fut cependant accordée à la triste recluse : après quatre ans de séparation, sa mère obtint de la visiter, malgré les protestations de son gendre. Tout ce qu’Eléonore avait tenté pour adoucir le sort de son enfant avait échoué, mais elle lui apportait le réconfort d’une tendresse toujours fidèle, la seule qui lui restât !

A peu près à la même époque, Sophie-Dorothée apprit que sa fidèle dame d’honneur, Eléonore de Knesebeck, s’était évadée du château de Schwarzfels. Arrêtée le lendemain de la mort de Königsmark, elle avait disparu pendant plus de quatre ans. Sa sœur Frau von Metsch découvrit enfin que la pauvre femme était confinée dans une forteresse si délabrée qu’un jour le toit de sa prison s’était effondré sur sa tête. Il fallut le réparer et, parmi les ouvriers, se glissa un ami des Metsch qui, non sans peine, fit évader la malheureuse. Elle se réfugia à Wolfenbültel, où elle fut chaudement accueillie. Le gouvernement de Hanovre avait confisqué ses biens, mais la duchesse de Celle et le duc de Wolfenbüttel assurèrent son existence, et, plus tard, elle entra au service de la reine de Prusse, la fille de son ancienne maîtresse. Eléonore de Knesebeck fut coupable d’avoir, par sa complaisance, encouragé la folle passion de la princesse ; mais, si elle manqua de jugement, elle ne manqua ni de loyauté, ni de vaillance ; devant les tribunaux, au fond de sa prison comme à la Cour de Berlin, elle ne cessa d’affirmer l’innocence de celle pour laquelle elle avait souffert.

Moins heureuse que sa suivante, la captive d’Ahlden ne vit aucune main amie ouvrir les portes de sa prison. Les années s’écoulaient lentes et douloureuses, et, sauf les visites de la duchesse de Celle, rien ne venait en rompre la désespérante monotonie. Sophie-Dorothée avait, par sa mère, des nouvelles de ses enfans. Un jour, dit-on, le jeune Georges-Auguste arriva, bride abattue, sous les murs d’Ahlden ; le gouverneur l’empêcha d’entrer, mais la captive put lui faire signe de la fenêtre. Ce ne fut qu’un éclair : les gentilshommes de sa suite, ayant rejoint le fugitif, l’obligèrent à retourner à Celle. Ce jeune prince, qui devint un roi médiocre et impopulaire, avait les