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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/387

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centre et à l’extrémité du royaume, en Auvergne et en Languedoc, des contrées encore à demi sauvages, où l’on vit comme au plus mauvais moment du moyen âge, vraies tanières de bêtes fauves, où les rayons du soleil royal n’ont jamais pénétré, et dont « les farouches habitans » s’abandonnent aux pires instincts. Tel est le diocèse d’Alet en 1639, trois ans seulement avant la mort de Richelieu ; tel il restera en partie, malgré les efforts et les prodigieux succès de Nicolas Pavillon, vers 1667, au moment où le règne de Louis XIV sera dans son plus complet rayonnement.

Non seulement les mœurs y étaient déplorables et la brutalité excessive ; mais encore l’esprit religieux y était tombé dans le plus triste état. C’était en partie la conséquence de l’incurie des prédécesseurs de Pavillon, qui, depuis un siècle, ne résidaient pour ainsi dire point. L’évêché avait été, depuis 1530 jusqu’en 1603, possédé en commende par la maison de Joyeuse, qui le faisait régir par économat, et se bornait à en percevoir les revenus. En 1603, le cardinal François de Joyeuse l’avait résigné à Christophe de Lestang, et celui-ci ayant été nommé à l’évêché de Carcassonne, l’avait résigné à son tour à l’un de ses neveux, Pierre de Polverel, gentilhomme d’Auvergne, qui mourut avant d’avoir reçu ses bulles, si bien qu’à sa mort, le frère de Pierre de Polverel, Etienne, capitaine de cavalerie, préférant sans doute un évêché à une compagnie, le demanda, l’obtint et le garda jusqu’en 1637 où il décéda. C’était en vérité un singulier évêque, plus expert aux choses de la galanterie qu’à celles du sacerdoce, taisant danser à l’évêché lorsque par hasard il se rendait à Alet, mais habitant le plus souvent Paris ; car, en homme pratique, il avait acheté, des revenus de son évêché, une charge d’aumônier de la reine Marie de Médicis et de la chapelle du Roi. Il est vrai que, par son testament, il laissa une fondation de quatre setiers de blé pour aider à marier chaque année une fille pauvre de Cornanel, et une fondation de treize messes chantées pour le repos de son âme : c’était peut-être, de la part de cet ancien officier, une façon spirituelle d’assister, du haut des cieux, au couronnement des rosières.

Il est vrai que les rosières étaient rares dans le diocèse d’Alet, lorsque Nicolas Pavillon succéda à Etienne de Polverel. La population des campagnes et des villages y croupissait dans