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marquis de Rebé, colonel d’infanterie, vivait à la Cour. Les autres ne quittaient guère leurs terres, trop misérables pour en sortir, et la Révolution française, qui a finalement débarrassé le pays de leur tyrannie, a dû être la bienvenue dans ces montagnes. De la baute noblesse ces paysans avaient toute la prétention et tous les préjugés, voulant, comme elle, avoir leur banc dans le chœur de l’église paroissiale, bien à l’écart de la foule, entichés comme elle du point d’honneur et, en dépit des ordonnances royales, se battant en duel au moindre prétexte, mais ne rachetant point, comme la noblesse de Cour, leurs privilèges et leur vanité par l’héroïsme sur le champ de bataille au service du Roi, ou par cette élégance et ce raffinement de manières qui furent au XVIIe siècle le charme de la société française. Voleurs, usuriers, concussionnaires, ils avaient tous les vices que ne relevait aucune grâce. Il est vrai que sous Richelieu et Louis XIV, et ceci ne manque pas à coup sûr de piquant, ces mécréans tranchaient du souverain, et exigeaient de leurs sujets, comme les rois de France à chaque nouveau règne, un droit de joyeux avènement.

Ce n’étaient point les prêtres du diocèse qui pouvaient par leurs exemples en imposer à ces hobereaux sans foi ni loi, et donner des leçons à ces paysans farouches. Abandonnés par leurs évêques, choisis et nommés au hasard sans aucune garantie de vocation ni de connaissances, puisque le diocèse n’avait point de séminaire, ils ne vivaient pas mieux que leurs paroissiens. Aucune autorité ne les surveillait. Lorsque Pavillon arriva à Alet, il s’empressa de faire rechercher les procès-verbaux des visites paroissiales de ses prédécesseurs, et il ne s’en trouva pas un seul depuis cent ans. Les chanoines d’Alet et de Saint-Paul ne pouvaient, en l’absence de toute visite épiscopale, suppléer par leur zèle et leur ferveur à ce manque absolu de soin et de surveillance de la part de prélats qui ne résidaient point. Plus richement dotés que les prêtres du diocèse et possédant contre toutes les règles d’assez nombreux biens, ils consumaient leur vie en dépenses fort peu ecclésiastiques et leur vie n’avait rien à reprocher ni à envier à celle des gentilshommes du diocèse dont ils étaient souvent, même au temps de Pavillon, les compagnons d’amusemens et de débauche. Aussi la plupart des prêtres, ignorans et corrompus, menaient-ils une existence sans dignité et sans profit pour leurs ouailles, passant la plus grande