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Le Parlement de Toulouse semblait être pour toutes ces rancunes un juge commode. M. de l’Estang n’y avait-il pas de nombreuses alliances et M. de Rasiguières des parens ? Au surplus, les magistrats de la Cour suprême du Languedoc pouvaient-ils être bien disposés pour un évêque qui, en ce moment même, donnait du souci aux magistrats et au Roi à propos de l’affaire du formulaire, et commençait à être connu comme un indépendant ? C’était pour le Parlement de Toulouse une occasion de rendre des services en même temps que des arrêts, et il ne pouvait la laisser passer. Par un arrêt du 22 septembre 1663, sur la requête de MM. Rives et de l’Estang. il déclare exclus du droit de suffrage dans le chapitre d’Alet MM. Ragot et Hardy, sous prétexte que l’un demeure à l’évêché, l’autre au séminaire, de façon à assurer aux deux chanoines révoltés la majorité contre l’évêque dans le chapitre indécis et intimidé. Le 26 novembre 1663, sur la requête présentée par la noblesse du diocèse d’Alet, — l’acte constitutif du syndicat est du 27 juillet 1663, — requête pleine de passion et d’exagérations ridicules où on lit, par exemple, que par suite de la rigueur de l’évêque « beaucoup de familles ont été obligées d’abandonner le diocèse et qu’on a vu des hommes qui se sont châtrés eux-mêmes et des femmes qui se sont pendues et des prêtres qui se sont empoisonnés, » il assigne à sa barre le promoteur de l’évêché M. Ragot, pour avoir à se justifier. Le 24 juillet 1664, sur la requête du procureur général, ne le verra-t-on pas encore, alors qu’il a été, depuis longtemps dessaisi par ordre du Roi des procès de Pavillon avec ses ennemis, permettre aux jeunes gens du diocèse de danser les dimanches et jours de fête, et donner ainsi, non pas, comme on pourrait croire, une preuve de sa tolérance et de sa liberté d’esprit, mais en réalité de sa malveillance pour l’évêque ? Enfin le 28 février 1667, quelques mois après le jugement définitif de toutes les affaires par le Conseil du Roi, ne montrera-t-il pas encore sa partialité en permettant aux capucins de Roussillon, comme si ce n’avait pas été assez des capucins de Limoux et de Chalabre, de faire la quête dans le diocèse d’Alet ?

La partialité du Parlement de Toulouse était d’ailleurs si évidente, que la royauté, par esprit de justice et aussi par intelligence de ses propres intérêts, avait décidé dès les débuts que les affaires de l’évêque d’Alet avec le syndicat des mécontens