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prévenus, « désespérant de toutes les choses qu’on leur avait promises, » se sauvèrent pendant la nuit, — ils avaient acheté le geôlier de la prison. Le lendemain de leur fuite, 12 septembre, « il fut donné contre eux l’arrêt de condamnation à mort contre le juge mage et bannissement perpétuel contre le receveur, avec confiscation de leurs biens, et la restitution de 280 000 livres au profit du diocèse et de la province. » Là-dessus les Etats considérant « que Mgr l’évêque d’Alet avait employé trois années entières à la poursuite de cette affaire, qu’il ne fallait pas moins pour venir à bout de ces prévenus qu’une patience telle que celle de ce grand prélat qui avait bien voulu donner ses soins et ses revenus pour un ouvrage si important, » délibérèrent que ceux qui avaient fait les frais de la poursuite, — 15 437 livres, c’était pour rien, — seraient remboursés « des plus clairs et premiers deniers provenant de la vente des biens des dits Aosthène et par préférence des sommes adjugées à la province, diocèse et communautés par le susdit arrêt. » Tous les frais enfin et toutes les indemnités seraient liquidés et réglés par le courageux prélat.

On se tromperait si on croyait que tout devait finir si vite. Ce serait mal connaître la magistrature de l’ancien régime. Tout dans cette affaire est plein d’enseignemens et de renseignemens curieux. Après le jugement de la Cour des Aides et l’évasion des deux frères, M. de Cironis eut le crédit d’obtenir du Parlement de Toulouse un arrêt par lequel il était permis aux deux voleurs d’exercer leurs charges. Ils en profitèrent pour rentrer à Limoux et terroriser plus que jamais le diocèse d’Alet, soutenus qu’ils étaient par la plupart des gentilshommes, leurs complices. Que faire devant ce triomphe des méchans ? Pavillon s’adressa directement au chancelier Séguier, qui, outré à bon droit de cette indignité, donna ordre au capitaine des gardes Amaury d’appréhender au corps le juge mage et de le conduire à la citadelle de Montpellier. Celui-ci fut arrêté en pleine audience et mené au château de Cornanel en attendant que le capitaine eût assez de monde pour le transférer à Montpellier ; car déjà la population de Limoux s’attroupait en faveur du juge mage, Or, le lendemain, le château de Cornanel fut investi, comme en plein moyen âge, par trois cents hommes armés conduits par nos hobereaux, croupiers des frères Aosthène. Ce fut un siège en règle, qui dura quinze jours. Le capitaine Amaury, qui craignait