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de manquer de vivres, en envoya demander à Alet. Le viguier d’Alet, homme de résolution, se chargea avec une petite escorte de forcer la ligne d’investissement et de ravitailler le château. Il eut son cheval tué sous lui et perdit un muletier de ses compagnons, « dont la mort, — nous dit Lancelot, — donna tant de chagrin à Monseigneur que toute la nuit il ne put dormir, quoiqu’il n’y eût point de sa faute. » Il arriva jusqu’au château ; mais la place, quoique ravitaillée, n’aurait pu sans doute être sauvée, si un parti de montagnards du Capsir, affectionnés à leur évêque et ruinés par les Aosthène, n’était descendu dans la vallée pour mettre en fuite les assiégeans. » Les Capsirois descendirent environ 400 ou 500, avec une joie indicible de pouvoir témoigner à leur bon pasteur leur reconnaissance, et avec résolution de mourir pour la foi. Et, tout le long du chemin, prenaient d’eux-mêmes quelque temps pour dire leur chapelet et autres prières vocales... »

Le juge mage fut alors enfermé dans la citadelle de Montpellier, où son frère vint bientôt le rejoindre. En ce moment, M. Fouquet, frère du surintendant, venait de succéder à M. de Rebé, comme archevêque de Narbonne. Circonvenu par les gentilshommes et par la famille de Cironis, il recommanda à son frère la cause de nos deux concussionnaires. Celui-ci, se trouvant apparemment en pays de connaissance, par la bientôt de faire grâce. Mais Pavillon était inflexible : il demanda énergiquement, avant qu’on relâchât les prisonniers, la restitution des sommes volées par eux et la démission formelle de leurs emplois. Heureusement pour lui le prince de Conti venait en ce moment d’être nommé gouverneur de la province de Languedoc. Le prince, qui depuis 1655 s’était mis sous la direction de l’évêque, montra au surintendant le bon droit de celui-ci, et Fouquet finit par céder. Il fut convenu « que Mgr de Toulouse (M. de Marca, et M. de Comminges (M. de Choiseul) régleraient définitivement l’affaire en présence du prince de Conti. » Tout d’abord, en manière de garantie pour l’avenir, on décida que désormais Alet et Limoux auraient deux assiettes distinctes avec un seul compte. Puis, comme satisfaction pour le passé, les commissaires ordonnèrent que les deux frères restitueraient 40 000 livres au diocèse d’Alet, et le reste à la province, qu’ils payeraient 4 000 livres pour être distribuées aux victimes du siège de Cornanel, et de plus qu’ils seraient