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Constantine un frère du bey de Tunis. Nous plaçâmes un bey à la tête de la province de Médéa et acceptâmes les offres de soumission du bey d’Oran, et quand, quelques mois après, ce dernier, cassé par l’âge, eut manifesté le désir d’abandonner sa charge, nous nommâmes à sa place un autre prince de Tunis. Plus tard, après l’échec de la combinaison tunisienne, nos généraux cherchant partout une autorité indigène sur laquelle ils pussent s’en remettre du gouvernement de tout l’intérieur, jetaient en 1834, au traité de la Macta, les bases de la grandeur future d’Abd-el-Kader et concluaient avec le jeune émir le 19 janvier 1837 le célèbre traité de la Tafna, qui devait être par la suite l’objet de tant de critiques et qui, en somme, aurait paru moins inexplicable si l’on avait vu en lui le développement et la consécration d’une politique pratiquée depuis la prise d’Alger.

Malheureusement pour nous, si nous comprenions où était la bonne solution, nous n’étions pas préparés à l’appliquer. Au cours de la tourmente révolutionnaire et des chevauchées napoléoniennes à travers l’Europe, nous avions perdu de vue, sinon la politique coloniale, du moins la manière dont nous l’avions jadis comprise et appliquée. Nous ne nous rappelions plus les principes directeurs qui nous avaient permis, au milieu du XVIIIe siècle, de nous asservir les rajahs indous et de dominer le tiers de l’Hindoustan avec une poignée d’Européens. La formule du protectorat que nous avions trouvée jadis, et que les Anglais, s’inspirant de nos procédés, appliquaient à cette heure même dans nos anciennes possessions qu’ils avaient faites leurs, n’était plus présente à notre esprit. Nous n’avions d’ailleurs ni la patience et le sang-froid, ni la souplesse et l’esprit de suite qu’exige la mise en pratique d’une telle politique. Vieux soldats de la Révolution et de l’Empire, nos généraux étaient plus faits pour commander aux indigènes que pour parlementer avec eux. Le général Clausel n’était pas un Dupleix, non plus qu’aucun de ses successeurs, et s’ils s’efforcèrent de réaliser la conception qu’ils avaient adoptée au sujet du gouvernement des indigènes, ils ne surent pas employer, comme il aurait fallu, les voies et moyens de la faire aboutir.

On a relevé comme première faute commise de n’avoir pas voulu conserver à notre service les fonctionnaires et employés turcs du précédent gouvernement, qui nous auraient renseignés