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du pays était confié à des khalifas et bach-aghas ; au-dessous d’eux étaient des aghas à la tête de circonscriptions territoriales moindres, ou aghaliks ; puis des caïds, chefs de tribus et des cheiks, chefs de fractions de tribus. Tous ces chefs étaient indigènes et constituaient une féodalité qui contribuait à maintenir les populations dans l’obéissance vis-à-vis du gouvernement auquel ils servaient les tributs d’usage. Le Divan s’appuyait en outre sur la caste des marabouts, personnages religieux auxquels il ne ménageait pas les avantages temporels, et, en échange, se faisait renseigner par eux sur les faits et gestes des grands chefs indigènes à l’influence desquels ils faisaient contrepoids.

Ce système ingénieux de gouvernement, grâce auquel une poignée d’étrangers avait su maintenir sous son autorité toute la contrée, réalisait, avec le minimum de dépenses et de personnel, le maximum de profits. Le vainqueur pouvait, après la prise d’Alger et le départ du dernier dey, le conserver et le faire tourner à son avantage. Les vaincus s’y prêtaient on ne peut mieux. On voyait en grand nombre des soldats et des fonctionnaires du régime déchu accourir et demander à entrer à notre service. Les tribus et fractions de tribus maghzen, composées d’élémens de toute nature, implantées au milieu d’une population pour laquelle elles étaient un objet de jalousie, et qui avaient coopéré à toutes les expéditions des anciens maîtres du pays, désiraient par nécessité et par tradition rester au service du gouvernement, quel qu’il fût, et venaient, comme par exemple les Zemala et les Douaïr, nous offrir leur concours. Les beys d’Oran avaient, dès la première heure, reconnu la souveraineté de la France ; les habitans de Médéa réclamaient un bey nommé par nous. Quant aux grands feudataires indigènes, leur intérêt était de nous apporter leurs concours, à la condition de conserver leurs privilèges, et c’est ce qu’ils firent en effet.

Certes, au premier moment, nous comprîmes fort bien les avantages de la situation et cherchâmes à gouverner le pays par le moyen de grands chefs indigènes simplement vassaux et tributaires. Le général Clausel rêva tout d’abord d’associer le bey de Tunis au maintien de notre domination en Afrique. Ce dernier aurait administré, en qualité de vassal, toutes les parties du territoire algérien que nous n’aurions pas effectivement occupées, c’est-à-dire la totalité du territoire, moins quelques points du littoral. Le 16 octobre 1830, un arrêté nomma en effet bey de