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sur la proposition du gouverneur général ; quant au territoire arabe, les Européens n’étaient admis à s’y établir que dans un intérêt d’utilité publique et en vertu d’une autorisation spéciale et personnelle accordée par le gouverneur général. Les trois zones furent réduites à deux par arrêté du 3 décembre 1848 : territoire civil et territoire militaire, et dans ce dernier on maintint la défense aux Européens d’acquérir des terres sans une autorisation spéciale.

Ces mesures avaient été dictées par le souci exclusif du bien des indigènes. On ne pensait pas alors qu’il fût de l’intérêt de la métropole, ni de celui de la colonie d’avoir des sujets appauvris, ruinés et portés naturellement, par l’excès même de leur misère, à constituer un élément permanent de trouble dans le pays. On entendait les protéger et les défendre contre eux-mêmes, contre leur trop grande facilité à se priver de leurs terres et à s’enlever ainsi la seule ressource qui les faisait vivre jusqu’alors. On a prétendu depuis que la constitution de la propriété indigène et son état indivis étaient un obstacle à la colonisation agricole européenne. On voit par les faits historiques que nous venons d’exposer ce qu’il faut penser de cette assertion. Tel n’était pas non plus l’avis des colons et des fonctionnaires de l’époque, et M. de Tocqueville, chargé d’un rapport aux Chambres sur la propriété foncière en Algérie, ne put que traduire le sentiment général. « Qu’on consulte l’histoire du pays, écrivait-il, qu’on considère les usages et les lois qui le régissent, et l’on verra que nulle part il ne s’est rencontré des facilités plus grandes et plus singulières pour mener paisiblement et à bien l’entreprise de maintenir l’ancienne propriété indigène et d’asseoir la nouvelle propriété européenne. Le domaine public y a des proportions immenses ; les terres qu’il possède sont les meilleures du pays. Nous pouvons distribuer ces terres aux cultivateurs européens sans blesser le droit de personne. Une partie des terres des tribus peut recevoir une destination analogue. En beaucoup d’endroits, la propriété matrimoniale et individuelle n’existe pas. Ce sont là des circonstances rares et particulières qui rendent notre œuvre plus aisée. En effet, la Chambre comprendra sans peine qu’il est plus facile d’introduire une population nouvelle sur un territoire qui n’est possédé qu’en commun, que sur un sol où chaque pouce de terre est défendu par un intérêt particulier. Dans une telle contrée, il y a presque toujours