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ériger en méthode de gouvernement la spoliation des indigènes eût été pour lui s’exposer à la plus formidable des insurrections, laquelle l’eût obligé ou à céder ou à voir se créer, par une émigration en masse, le vide dans le pays. Le droit de confiscation appliqué au territoire des tribus algériennes était en outre antikoranique ; ce droit n’est reconnu au souverain que vis-à-vis des infidèles, en pays conquis ; il ne l’est pas vis-à-vis des croyans, en pays musulman.

A notre arrivée en Algérie, la situation de la propriété foncière était la suivante. Il y avait des terres mortes (forêts, landes, steppes, parcours généraux d’alfa, broussailles, rochers) qui étaient réputés biens de la communauté musulmane, bled-el-Islam, puis des terres vivantes, terres melk et terres arch, possédées les premières par des particuliers, les secondes par des tribus. Les propriétés melk existaient dans la majeure partie du Tell algérien, surtout dans les pays montagneux habités par des populations d’origine berbère, et les propriétés arch dans la majeure partie des Hauts-Plateaux et du Sahara. Ces dernières étaient possédées par certaines tribus en vertu d’un titre écrit de concession ou d’acquisition : c’étaient en général les petites tribus ou portions de tribus de la côte ; d’autres avaient leurs droits garantis par une possession immémoriale que la tradition allait jusqu’à faire remonter à l’époque de l’invasion arabe. Elles étaient venues dans les pays d’Occident avec les premiers khalifas de Mahomet et avaient été installées par eux : on peut ranger dans cette catégorie la plupart des grandes tribus sahariennes. Il y avait aussi, disséminés sur toute l’étendue du territoire, quantité de biens, de fondation pieuse ou habous. Quant aux terres du beylik, elles étaient pour la plupart données en location à des particuliers et étaient alors dites terres d’azel, mot qui signifie : partie distraite du territoire. D’autres avaient été concédées à titre de simple jouissance aux colonies militaires maghzen, en échange du service militaire qui leur était imposé ou bien louées simplement à des tribus qui payaient un droit de fermage ou hokor. Les terres arch couvraient un tiers du sol algérien ; les terres bled-el-Islam, les biens melk, les habous, les terres du beylik le reste du territoire. Le mode de jouissance des terres possédées par les tribus variait suivant les besoins de la communauté ; toutefois, la règle générale était que tout membre de la tribu avait un droit individuel à la jouissance